Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un fou. Les mémoires de Dupleix, ses lettres, n’avaient pu ramener les esprits. Dupleix s’adressait à la raison, non au cœur ; on ne le lisait guère. Et quand, par aventure, on entendait dire qu’il voulait étendre les possessions de la Compagnie jusqu’aux portes de Delhy et faire, au seul nom français, trembler l’Hindoustan et le Grand Mogol lui-même, un tel langage semblait l’effet du délire. On riait du projet de vaincre, avec huit cents Européens, des armées dont le nombre seul eût étouffé cette poignée d’hommes.

Les actionnaires avaient suivi avec inquiétude le développement des plans de Dupleix. À la nouvelle du désastre de Trichinapaly, croyant leurs actions dépréciées à tout jamais, ils conçurent les plus vives alarmes. Puis ils espérèrent que la défaite aurait pour conséquence la paix. Quand ils virent la guerre continuer, ils éclatèrent en plaintes contre l’orgueil et l’ambition de Dupleix, qui, selon leurs dires, les ruinait. Aucune protestation ne se faisait entendre, personne ne voyait que Dupleix avait du génie, que l’œuvre était réalisable au prix de quelques efforts, de quelques sacrifices, de quelques secours. La Compagnie ne voulait pas risquer un liard pour récolter des millions. Le ministère, aussi borné que le conseil des directeurs, uniquement préoccupé de se maintenir au pouvoir, n’avait que du dédain pour tout ce qui se passait aux colonies ; il était prêt à appuyer la Compagnie dans les négociations qu’elle voulait entamer à Londres pour la conclusion de la paix.

D’Autheuil, envoyé à Paris, comme on sait, pour représenter la situation de l’Inde sous son vrai jour,