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vana, qui lui donnait la souveraineté du Carnate, et montra la velléité de se faire solennellement reconnaître comme nabab de cette province. Le calcul était des plus politiques, étant donné les idées indiennes sur le mode des investitures. En agissant ainsi, il se révélait plus puissant que jamais, au moment où on l’avait cru perdu. C’était le plus sûr moyen d’éblouir les princes indigènes.

Bussy, qui disait « que c’était vouloir cueillir un fruit qui n’était pas mûr », l’en détourna. « Ce qu’il faut, disait-il, c’est mettre en possession de la province un prince qui soit en état de donner une somme comptant et vous rembourser ainsi de vos avances. Dans les conjonctures présentes, le rajah de Maïssour ou le nabab de Velour sont les seuls en état de remplir cette condition. » Dupleix, à demi convaincu, entra en pourparlers avec Mortizy-Ali, le nabab de Velour, qui consentit à fournir une grosse somme d’argent et leva des troupes pour soutenir son nouveau titre. On avait donc un allié de plus.

Ainsi le désastre de Sheringam était effacé. Dupleix, seul, dans la lutte contre l’Angleterre, et les plus puissantes nations de l’Inde, sous le coup de la défaite, au milieu d’une panique, condamné par l’opinion, anéanti en apparence, n’avait pas désespéré une seconde, et soutenu par sa gloire passée, sa volonté inflexible et son génie, il avait en deux mois ramené sous le drapeau de la France la fortune et la victoire. Tout paraissait rétabli encore une fois.