Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comprit point les nécessités stratégiques imposées par la configuration du terrain. Il se croyait en sûreté et ne pensait pas que, resserré dans un étroit espace, il pouvait être entouré, et que la rivière formerait contre lui la plus solide circonvallation.

Le cœur de Dupleix « saigna » à ces nouvelles. Persuadé que Law, avant d’en venir à une telle extrémité, avait pris l’avis solennel des officiers, il crut qu’un désastre encore ignoré avait précédé la retraite. Il ne pouvait s’imaginer que Law, alors que rien ne l’y forçait, avait pris un parti désespéré, de gaieté de cœur, sans même songer à s’abriter derrière l’opinion d’un conseil de guerre. Quand il sut la vérité, quand il apprit que l’armée était intacte, sa colère éclata. Il n’eut pas de mots assez durs pour caractériser la conduite du général dont l’incapacité ruinait en une minute les affaires du pays. « Je ne veux plus être prophète, disait-il, j’ai trop averti en vain. Il faut retirer le commandement à cet homme. » Il fit appel à d’Autheuil, ne lui cacha rien de la situation, lui en montra toutes les conséquences et termina en disant qu’il comptait sur lui pour tirer l’armée de là. Le vieux général frémit, et, quoique perclus de goutte, avec l’héroïsme du devoir, il accepta la terrible mission. Dupleix annonça à Law que d’Autheuil le remplaçait à la tête de l’armée ; il finissait sa lettre par une ironie cruelle : « Je suis persuadé, disait-il, que cet arrangement va faire plaisir à madame votre femme, qui ne désire que le moment de vous tenir dans ses bras. »

Dupleix apprit le lendemain que Law était à peu près bloqué dans Sheringam par Clive, qui avec 400 Anglais, 700 cipayes, 3,000 Mahrattes, gardait la rive nord