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reçu pourtant que des bienfaits. Une foule anxieuse entoura le cortège, quand il arriva aux tentes royales. La femme de Mousafer-Singue, éplorée, dans le désordre de la douleur, se précipita au-devant de Bussy pour le supplier de sauvegarder les droits de son fils. Autant pour la calmer que pour rester fidèle à son rôle de conciliateur, Bussy conduisit le jeune prince près de ses trois cousins, et les fit asseoir tous les quatre sur le même trône. D’un commun accord on décida que Salabet-Singue signerait les ordres. La conférence finit par une cérémonie symbolique. On apporta du sucre candi. Bussy en mit un morceau dans la bouche des princes, et l’on se sépara. Des sentinelles françaises gardèrent toutes les issues du pavillon royal.

La tactique de Bussy triomphait. Il avait empêché la tragédie annoncée de s’accomplir. Pas une goutte de sang n’avait coulé. Mais rien n’était décidé ; tout restait suspendu. Et pour être reculée, l’énigme n’était pas moins menaçante. Il fallait un maître à cette foule, et la proclamation d’un soubab, ce dénoûment obligé de la crise, pouvait amener la guerre. Pourtant il n’était pas possible de prolonger indéfiniment une situation aussi tendue, et la nécessité de prendre un parti, sans attendre les ordres de Dupleix, s’imposait de plus en plus. Bussy le sentait ; mais, pour agir, il lui fallait des appuis dans l’entourage d’un des princes, et il n’avait pas encore eu le temps d’en créer. On ne pouvait point tenter un coup d’État sans la complicité des ministres ; on n’était pas sûr de ceux-ci.

Le rajah Ragnoldas, l’habile diplomate que Dupleix avait placé auprès de Mousafer-Singue en qualité de