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songeant aux épreuves de la retraite des Dix-Mille, la lutte pouvant éclater d’un moment à l’autre, Bussy vit cela tout d’un coup. Il avait trop d’énergie pour se dérober à la responsabilité qui lui incombait. Il résolut de faire tête à tous les dangers, et, rassemblant ses troupes, il marcha sur le camp hindou, prêt à repousser les attaques, tout en gardant l’air amical qu’on montre à des alliés, et en se posant en arbitre désintéressé, en conciliateur des prétentions de chacun. Il n’y avait pas de conduite plus habile à suivre. C’était le seul moyen d’empêcher de nouvelles catastrophes et de maintenir notre influence.

Déjà un grand nombre de seigneurs voulaient proclamer pour roi un des fils de Naser-Singue. On avait délivré ceux-ci, on les avait fait monter sur un éléphant, on les conduisait en triomphe à travers le camp. Bussy, à son entrée dans les lignes hindoues, aperçut le cortège et comprit ce qui se passait. Il n’y avait pas à penser à reculer ; on était forcé de se rencontrer face à face. Qu’allait-il arriver ? Tout le monde, dans l’armée française, eut pendant un moment la crainte d’un conflit. « Qu’on connaissait mal, dit Kerjean, l’impression que les Français avaient faite sur les Hindous ! À peine avions-nous joint le gros d’éléphants qui entouraient celui des trois frères, que les rangs s’ouvrent pour nous faire place. On nous demande à mains jointes notre protection… Nous sommes les meilleurs amis.

« Il faut que nous nous hâtions de désigner un maître à cette multitude, sinon elle va s’entre-égorger, selon la coutume des musulmans de l’Inde, qui dans une bataille perdent leur général et ne le remplacent pas sur