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extension de territoire à Karikal. « Se tournant ensuite vers Dupleix, comme un vassal vers son seigneur, il s’engage à ne jamais rien accorder, même une faveur, sans l’approbation du gouverneur. »

Dupleix se leva à son tour, et, après les compliments d’usage, il déclara, en ayant l’air de céder aux élans d’une générosité naturelle, qu’il n’avait pas soutenu cette guerre pour conquérir des royaumes, mais pour obéir aux ordres du Mogol ; que c’était à la fois lui faire un grand honneur et lui imposer une charge trop lourde que lui confier la nababie du Carnate ; qu’il serait assez payé de ses services si on lui laissait le titre sans l’autorité. Montrant alors Chanda-Saïb qui se tenait près de lui : « Je demande en grâce, s’écria-t-il, qu’on confie le gouvernement de cet immense territoire à ce héros si fidèle. » Un murmure d’admiration s’éleva dans la salle. Ce désintéressement chevaleresque, si rare chez un homme au faîte de la puissance, impressionna vivement les Hindous, qui ne devinèrent point les calculs politiques cachés derrière l’abnégation, et demeurèrent persuadés qu’ils n’avaient rien à redouter d’un tel homme. Le pouvoir moral de Dupleix fut désormais hors de toute atteinte ; et pour incarner en quelque sorte l’idée de sa puissance dans un symbole matériel, il ordonna la fondation d’une ville sur les lieux témoins de la défaite et de la mort de Naser-Singue ; elle porterait le nom de Dupleix Fatey Abab (lieu de la victoire de Dupleix).

Surexcité par les derniers événements, Mousafer-Singue ne voyait plus de bornes à son ambition ; il ne lui suffisait plus d’avoir triomphé de son adversaire