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saient redoutables. Les habitants préparaient leur fuite ; des bruits absurdes circulaient ; on annonçait l’arrivée des Mahrattes. Dupleix, par le calme de son attitude, la légèreté de ses propos, l’énergie de ses discours, rassurait tout le monde. Il savait que d’Autheuil, énergique et prudent, se replierait en bon ordre et ne laisserait pas entamer ses troupes. Réorganisées, avec de nouveaux officiers, on les ramènerait au feu, et en quelques jours on reprendrait le terrain perdu. Il n’en doutait pas.

Le lendemain, d’Autheuil, couvert de poussière, noir de poudre, lui racontait les péripéties de la retraite et lui annonçait, les larmes aux yeux, la folle reddition de Mousafer-Singue. Dupleix fut accablé de ce coup imprévu.

Il avait échafaudé toute son œuvre sur Mousafer-Singue, et celui-ci disparaissait. Quel parti allait prendre Naser-Singue ? Le doute était le sentiment le plus antipathique à Dupleix ; selon son expression, l’incertitude le tuait. Et malgré son génie, il ne pouvait prévoir les extrémités où Naser-Singue se laisserait entraîner. Un caprice, un accès de fureur amené par l’excitation du raki, c’en était assez pour détruire les combinaisons du politique gouverneur de Pondichéry. Naser-Singue avait fait jeter son rival en prison. Se contenterait-il de le garder derrière les murs d’une forteresse ? donnerait-il l’ordre de le mettre à mort ? Peut-être la tête de Mousafer-Singue était déjà tombée.

Dupleix, pendant de longues heures, resta enfermé, sans vouloir recevoir personne, plein de soucis, de douleur et de rage, « abîmé dans l’unique préoccupation de