Page:Hamelin - Le Système de Descartes.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Église, et de l’autre par la fidélité obligée à certains principes philosophiques, tout ce qu’on pouvait faire c’était de préciser des notions secondaires. Presque tout ce qu’il y a de grand dans la philosophie de l’École vient des anciens. La forme démonstrative dont nous parlions tout à l’heure vient d’Aristote, et d’Aristote aussi viennent toutes les notions capitales de substance, d’attribut, de mouvement, etc., que Descartes devra s’approprier ou renverser.

On voit en somme que jusqu’ici ses devanciers n’ont pu lui fournir par eux-mêmes que bien peu d’éléments a emprunter, et aussi bien peu de points à contredire. « C’est, dira-t-on[1], que les vrais précurseurs de Descartes sont moins les philosophes que les savants. » La remarque a été faite plusieurs fois et avec raison. Il faut pourtant l’entourer d’explications. D’abord on risquerait de se tromper si on voulait l’interpréter dans un sens exclusif. Car, de ce que les savants peuvent avoir plus contribué que les philosophes à préparer Descartes, il ne s’ensuit pas que les philosophes n’y aient pas contribué du tout. Nous verrons, à propos de la méthode notamment, que, selon Descartes lui-même et sans doute selon la vérité, il est bien redevable de quelques idées à la philosophie qui a précédé la sienne. Ensuite, et surtout, il faut distinguer entre les mathématiciens et physiciens dans le rôle de précurseurs du Cartésianisme qu’on attribue aux savants en général. Les mathématiciens modernes, même les mathématiciens purs, ont assurément aidé à la formation de l’esprit et de la doctrine de Descartes. L’algèbre, au sens le plus propre du mot, est d’origine orientale et s’est développée en Italie avec Tartaglia, Cardan, Ferrari, dont il n’y a pas de raison de croire que Descartes ait ignoré les travaux. Mais l’auteur qui a le plus fait pour donner

  1. Millet, Descartes avant 1637, p. 2.