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pour classer les sciences, on se place nécessairement au point de vue de l’idéal, on suppose les sciences étudiées dans toutes leurs parties et toutes les parties distinguées d’une façon rigoureuse, sans admettre que des raisons de commodité puissent conduire à fondre entre elles certaines parties. Or il est trop clair qu’un penseur, fût-ce Aristote, peut toujours être empêché d’accomplir tout son programme, ou entraîné à négliger en fait certaines distinctions qu’il accepte en droit, à réunir par exemple dans un même ouvrage des matières qui régulièrement auraient dû faire l’objet de plusieurs.

Venons maintenant au détail des objections de Zeller. La première est que, si les sciences poétiques ont formé pour Aristote un groupe vraiment distinct, il est singulier que nous ne trouvions dans ses œuvres, pour représenter ce groupe, qu’un seul ouvrage traitant d’un art très spécial, savoir la Poétique. — On peut admettre que la Poétique est le seul représentant du groupe ; du moins ni le traité de la médecine (ἰατρικά), ni celui sur l’agriculture, etc. ne sont authentiques (cf. p. 42). Mais bien des raisons pouvaient porter Aristote à se dispenser d’écrire une technologie. D’une part, il ne devait pas lui sembler très urgent pour l’éducation d’hommes libres de réfléchir sur des arts essentiellement illibéraux, dont il partageait, au moins en partie, le mépris avec tout son milieu. D’un autre côté, la matière d’une telle technologie ne pouvait être réunie qu’au prix de très longs efforts ; et il aurait fallu en outre prendre l’élaboration par la base puisqu’il n’y avait pas de travaux préparatoires, ceux des Sophistes étant sans doute purement dialectiques et ne pouvant guère compter. Au reste, dans la nature, un seul individu suffirait au besoin pour représenter un ordre, au besoin un embranchement ou un règne, et Zeller même est obligé de faire une place à part à la Poétique[1]. Mais est-il bien sûr qu’on se trompe quand on joint d’autres ouvrages à la Poétique, pour représenter le groupe ? Sans doute Aristote rattache très étroitement la rhétorique à la dialectique, et

  1. P. 183, vers le bas.