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pas ; car, comme le suppose Mullach[1], Nélée n’avait peut-être vendu que des copies. Ce qui est plus embarrassant, c’est la suite du récit : les manuscrits enfermés dans un souterrain pour les soustraire à l’avidité des rois de Pergame. Comment ces ignorants ne les avaient-ils pas vendus auparavant, et, si on voulait les leur prendre, comment y attachaient-ils du prix ? On peut admettre qu’ils défendaient leur tranquillité ; surtout il faut se dire que nous ignorons le détail et la complication des circonstances. Reste enfin une dernière question, qui est la plus épineuse de toutes : c’est que, si les manuscrits des héritiers de Nélée étaient les originaux, Andronicus ne se soit pas servi de leur autorité. Or il n’invoque pas cette autorité pour résoudre la question de l’authenticité de l’Hermêneia et, d’autre part, non seulement nous ne trouvons pas dans les commentateurs d’indications portant qu’Andronicus ait recouru aux manuscrits en question pour fixer des leçons douteuses, mais même nous possédons un texte important de Dexippe[2], où les diverses copies auxquelles recourt Andronicus sont mises les unes et les autres sur le même plan. Disons, sur le premier point, que les manuscrits d’Aristote pouvaient être indiscernablement mêlés avec ceux de Théophraste. Sur le second point, une réponse est difficile ; peut-être toutefois peut-on essayer celle-ci : parmi les copies étrangères à la bibliothèque de Nélée il y en avait d’excellentes, tandis que les manuscrits originaux étaient dans un état assez déplorable pour être de peu d’utilité. Qu’on eût dû quand même les utiliser pour certains détails, c’est là une obligation qui ne s’imposait pas à la conscience d’un ancien, comme à la nôtre. — En somme, pour déférer à l’autorité considérable de la source de Strabon, on peut, bien que non sans peine, admettre les faits positifs articulés dans le récit de celui-ci.

Mais ce qu’il est impossible d’accepter, c’est l’assertion négative que les œuvres scientifiques d’Aristote n’existaient

  1. Mullach, p. 295 b, s. med.
  2. Categ. 21, 18 sq., Busse (Comm. gr. IV, 2 ; p. 25 Spengel ; Schol. 42 a, 30). Cf. Zeller, p. 142, n. 1.