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question[1], il l’a résolue négativement. La matière a fini par rester pour lui en dehors de la forme, en dépit de la vigueur avec laquelle il a su ramener à de simples différences de degré nombre d’oppositions moyennes.

Parcourons maintenant les principaux points de la théorie aristotélicienne de l’âme.

Platon avait considéré l’âme comme une réalité séparable du corps, et corrélativement il avait reconnu au corps une existence propre. En cela il avait suivi les Pythagoriciens, ces premiers défenseurs du dualisme spiritualiste, qui sans doute d’ailleurs n’avaient pas pu se faire de l’existence spirituelle une notion bien nette et bien approfondie. Quoi qu’il en soit et quelles qu’aient été leurs raisons, ils avaient professé très résolument la séparation des corps et des âmes. Aristote, qui pourtant sait beaucoup mieux ce qu’est l’existence spirituelle, ne se lasse pas d’élever des objections contre le dualisme violent des Pythagoriciens et même de Platon. Il ne comprend pas comment on peut s’imaginer qu’une âme quelconque peut venir résider dans un corps quelconque. Cette conception familière aux mythes pythagoriciens revient à peu près au langage d’un homme qui prétendrait que l’art du charpentier peut descendre dans des flûtes[2]. C’est d’une tout autre façon, quant à lui, qu’il a défini l’âme. Il ne veut pas sans doute qu’elle soit l’harmonie du corps ; car l’harmonie ou l’assemblage des parties est quelque chose de postérieur et de subordonné (De an. I, 4 déb.-408 a, 28). Mais l’âme est l’entéléchie première d’un corps organique qui a la vie en puissance[3]. Un corps qui a la vie en puissance ou un corps organique, c’est la même chose : c’est un corps qui

  1. Au livre Ζ de la Métaphysique, 10, 1035 b, 83-1036 a, 12 ; cf. 11, 1036 b, 4-7.
  2. De an. I, 3, 407 b, 12 jusqu’à la fin du ch., dont voici les dernières ligues : παραπλήσιον δὲ λέγουσιν [sc. οἱ πυθαγορικοί μύθοι, b, 22] ὥσπερ εἴ τις φαίη τὴν τεκτονικὴν εἰς αὐλοὺς ἐνδύεσθαι· δεῖ γὰρ τὴν μὲν τέχνην χρῆσθαι τοῖς ὀργάνοις, τὴν δὲ ψυχὴν τῷ σώματι.
  3. Ibid. II, 1. La définition de l’âme est énoncée 412 a, 27 : … ἡ ψυχή ἐστιν ἐντελέχεια ἡ πρώτη σώματος φυσικοῦ δυνάμει ζωὴν ἔχοντος. τοιοῦτον δὲ ὃ ἂν ᾖν ὀργανικόν.