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mû meuve par lui-même, et non par une série d’intermédiaires, comme nous avons vu tout à l’heure qu’il arrive dans le cas des projectiles. Même dans cette hypothèse, on ne parviendra pas à obtenir la continuité du mouvement ; on en restera toujours à une série de mouvements consécutifs ; car, le moteur-mû étant divisible comme l’eau et l’air, il ne constituera jamais un moteur unique : au fond, on n’aura avec lui qu’une suite de moteurs. Seul, un moteur immobile peut mouvoir d’un mouvement continu, parce que, seul, il peut être vraiment unique (267 b, 9-17).

Il peut être vraiment unique, parce qu’il est inétendu. Nous voilà au théorème qui est l’objet principal du chapitre. Le moteur immobile meut d’un mouvement éternel, c’est-à-dire infini dans le temps. Si ce moteur a de l’étendue, il faut que ce soit une étendue finie ou une étendue infinie. Infinie, cela ne se peut, parce qu’il n’y a pas d’étendue infinie, comme on l’a démontré auparavant dans la première partie de la Physique (III, 5). L’étendue du moteur immobile sera-t-elle donc finie ? Non, car une étendue finie ne comporte pas une force infinie, et il est impossible qu’une force finie meuve pendant un temps infini (267 b, 19 à la fin du chap.). Pour arriver à sa conclusion finale, que le moteur immobile est inétendu, Aristote va donc démontrer successivement : 1o  que nulle force finie ne peut mouvoir pendant un temps infini ; 2o  que dans une étendue finie réside une force finie ; 3o  qu’une étendue infinie serait forcément le siège d’une force infinie. — Aristote démontre cette dernière proposition plutôt que sa réciproque, parce que, dans ses trois arguments, il ne considère jamais, comme il importe de le faire remarquer, que des forces attachées à l’étendue. Et en effet, s’il considérait des forces sans sujet étendu, il ne pourrait évidemment pas dire, comme nous allons le voir faire tout à l’heure, qu’une force infinie mouvrait dans un temps nul, c’est-à-dire hors du temps, c’est-à-dire encore ne mouvrait pas, puisque tout mouvement est dans le temps[1]. La Force infinie qu’est en fait le premier moteur meut réellement :

  1. Phys. VI, 4, 235 a, 11 : … ἅπασα κίνησις ἐν χρόνῳ…