Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvons plus ici tenir le langage que nous appliquions tout à l’heure au mouvement continu. Le point culminant n’est pas en puissance, comme un simple point de passage ; il est en acte. L’arrivée du mobile y est donc aussi un acte et, de même, le nouveau départ du mobile. Le point est réellement double et la présence du mobile en lui occupe une durée qui coupe le mouvement. Donc il ne peut y avoir sur une droite de mouvement continu infini ou éternel (8 déb.-263 a, 3).

Ici Aristote intercale une remarque importante sur la continuité de l’espace et du temps et sur la réponse qu’il convient de faire, en définitive, aux arguments de Zénon. Il est sans doute impossible de nombrer l’infini. Mais c’est en voulant nombrer qu’on crée précisément dans le continu, qui en lui-même n’est que divisible, des divisions effectives. Car nombrer, c’est s’arrêter et dédoubler chaque limite pour séparer une fin et un commencement. C’est un accident pour la ligne que d’apparaître comme composée discontinûment de moitiés et de moitiés de moitiés : son essence et sa quiddité sont autres. Il en est du temps de même que de l’espace : la limite entre le passé et l’avenir leur est commune. Lors donc que l’on considère dans le temps un devenir effectif, il faut toujours regarder la limite dernière du temps consacré à ce devenir comme appartenant déjà au temps qui suit. Ce qui emploie tout le temps Α à devenir blanc est déjà blanc au terme de ce temps, c’est-à-dire au commencement du temps qui suit. Si l’on remplace cette limite commune par une distinction de parties séparées et chacune indivisible, il faudra, entre le temps Α, employé tout entier à la génération du blanc, et le temps suivant, où la chose est blanche, insérer un nouveau temps pendant lequel la chose passera de l’état de devenir à celui d’immobilité. Mais il n’y a point ainsi de temps intercalaire : la limite du temps antérieur est déjà le commencement du temps qui suit et qui est, avec le précédent, continu, et non pas contigu comme un indivisible l’est avec un autre indivisible. Et la preuve que le moment où le devenir atteint son terme n’est pas un temps distinct du temps précédent, mais une limite, c’est que, si l’on ajoute