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qui s’exerce est pleinement actuelle. Pourtant celui qui possède la science sans ajouter l’usure à l’habitude n’est plus en puissance, par rapport à la science, dans le même sens que celui qui apprend. Il a déjà un premier degré d’actualité. La science est en lui, et, si rien ne l’en empêche, si par exemple la volonté ne l’arrête pas, cette science passera à l’acte plein de la spéculation. En somme il y a trois degrés dans l’échelle de la puissance et de l’acte. On peut donc distinguer trois degrés dans l’existence d’un corps simple. Il y a par exemple le feu existant en puissance dans l’air : il est au feu réalisé comme celui qui apprend est à la science. Il y a ensuite le feu réalisé, à qui il manque encore d’être dans son lieu propre : à ce degré le feu est comparable à la science en habitude ; il se rendra en son lieu propre, si rien ne l’en empêche. Il y a enfin le feu en train de brûler dans son lieu propre. Mais, s’il en est ainsi, on peut dire qu’un corps naturel comporte doublement d’être mû par quelque chose. Le feu est mû d’abord par l’agent qui l’actualise ; il est mû ensuite, s’il y a lieu, par la cause qui supprime l’obstacle par lequel il était empêché de gagner son lieu propre ; car renverser la colonne qui soutient un corps grave ou enlever la pierre qui maintient sous l’eau une outre gonflée, c’est bien encore mouvoir le grave ou le léger. Et, quant au mouvement propre du corps simple, celui par lequel ce corps, devenu lui-même, va se placer ou son lieu, ce mouvement, qui nous intéresse ici particulièrement, n’est que la suite de celui par lequel l’agent initial fait apparaître, par exemple dans le feu en puissance, c’est-à-dire dans l’air, la forme ou habitude du feu. Le mouvement naturel des éléments a donc son moteur, et même son moteur externe. Ainsi la proposition est vraie sans exception, que tout ce qui est mû est mû par quelque chose (225 a, 2 à la fin du chap.).

Quelle conclusion faut-il tirer de cette proposition relativement à la condition et à la manière d’être du moteur ? C’est ce qu’il s’agit maintenant de rechercher. Que tout soit uni par quelque chose, cela comporte deux sens. On peut entendre, ou que le mû reçoit immédiatement l’action du moteur, ou qu’il la reçoit par l’intermédiaire d’un moteur-