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d’un saut, ou lorsque des organes sont détournés de leur position ou de leur fonction normales, les mains par exemple étant employées à marcher, il faut dire que, dans son tout, l’animal se meut conformément à la nature et par nature. Mais, si tout ce qui est mû par soi est mû par nature, la réciproque n’est pas vraie. Car être mû par soi c’est encore bien autre chose que d’être mû par nature. Être mû par soi cela n’appartient qu’aux êtres animés et implique l’égale possibilité de continuer de se mouvoir et de s’arrêter. Or ce mouvement, qu’Aristote aurait pu qualifier de libre pour en faire ressortir le caractère distinctif, ce mouvement libre n’appartient pas aux êtres naturels, mais inanimés. Il faut donc, en définitive, classer les êtres quant au mouvement en êtres mus par nature et en même temps par soi, êtres mus par mature sans être mus par soi, susceptibles par conséquent d’être mus en quelque façon par autre chose, et enfin êtres mus contrairement à la nature et, dès lors, par autre chose. C’est dans la dernière classe qu’apparaît le plus irréfragablement cette vérité qu’un être mû est mû par quelque chose. Mais la même vérité ressort encore assez bien de la considération des êtres qui se meuvent par soi dans toute la force du terme. Car ce qui les meut a beau être dans eux, on n’est cependant pas tenté de le confondre avec ce qui est mû : l’âme se présente tout de suite comme l’analogue du matelot qui meut le navire. On ne rencontre l’obscurité et l’incertitude que quand on arrive aux êtres mus par nature sans être mus par soi : il est difficile de voir comment ceux-là sont mus par quelque chose (4 déb.-255 a, 2 ; cf. 255 a, 5-11). — Le mouvement de ces êtres n’est pas un mouvement forcé ; et cependant ou ne peut leur attribuer le mouvement libre, ni même discerner d’aucune façon, dans leur essence d’êtres continus et homogènes (συνεχές τι καὶ συμφυὲς), un agent qui meut et un patient qui est mû. Toutefois il y a une solution à la difficulté. Elle est fournie par la distinction de divers degrés dans l’acte ou dans la puissance. Celui qui apprend et celui qui possède la science sans se livrer présentement à la spéculation sont tous les deux en puissance par rapport à la science. Seule la science