Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sens. En effet nous constatons dans certains cas qu’un même sujet subit les changements dont nous venons de parler dans l’énoncé de l’hypothèse, c’est-à-dire que tantôt son repos se change en mouvement, et tantôt son mouvement en repos. D’ailleurs nier la possibilité de ces alternatives, c’est nier aussi la possibilité de certains mouvements dont l’existence nous est garantie par l’évidence sensible, savoir la translation forcée et l’accroissement : la translation forcée, parce que celle-ci suppose avant elle le repos du mobile en son lieu ; l’accroissement, parce que l’accroissement résulte de la nutrition, qui implique la translation forcée, puisque la nutrition transporte en haut ou horizontalement des aliments, c’est-à-dire des corps lourds dont le mouvement naturel est vers le bas. Enfin l’hypothèse a pour conséquence immédiate de nier la génération et la corruption, puisque ces deux opérations font précisément arriver à l’être ce qui n’était pas et passer au non-être ce qui était. Ainsi il n’y aurait rien qui commençât ou qui cessât d’être. Si l’on rétablit la génération et la corruption, on rétablit les alternatives de mouvement et de repos ; car tout mouvement peut s’interpréter comme une génération ou une corruption partielles. Il est donc clair que certaines choses tantôt se meuvent et tantôt sont en repos (254 a, 3-15). — Reprenons une dernière fois l’énumération de toutes les hypothèses possibles. Cela nous permet d’ajouter, en passant, contre l’hypothèse de l’immobilité universelle, que reconnaître au mouvement le titre de phénomène imaginaire et d’objet d’une opinion fausse, c’est avouer qu’il existe effectivement, puisque l’imagination et l’opinion sont des mouvements[1]. Nous verrons en outre qu’il ne nous reste plus qu’une hypothèse à examiner, à savoir que toutes les choses sans exception passeraient par des alternatives de mouvement et de repos. Désormais notre recherche tendra à établir que, si certaines choses sont tantôt en mouvement et tantôt en repos, ce n’est pas là le sort commun de toutes choses et qu’il y

  1. Cf. De an. III, 3, 428 b, 10 sqq. : … ἡ δὲ φαντασία κίνησίς τις δοκεῖ εἶναι…