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a enlevé pendant tel temps telle quantité de pierre, ils infèrent que la moitié de cette quantité de pierre a été enlevée par la moitié de la quantité de gouttes d’eau. Mais il en est ici comme dans l’action de tirer à sec un navire. On ne saurait admettre, selon Aristote, qui évidemment ne distingue pas entre les résistances et la masse, que, si tel nombre d’hommes fait avancer le navire avec telle vitesse, une partie quelconque de ce nombre d’hommes le fera avancer avec une vitesse proportionnellement réduite. Il estime que, si le nombre des hommes employés est trop faible, aucune vitesse ne pourra être, en quelque hypothèse que ce soit, imprimée au navire[1]. Il faut donc s’en tenir au témoignage des sens et ne pas chercher, sous un mouvement donné, une infinité de mouvements élémentaires, ni, par conséquent, vouloir remplacer l’immobilité, quand les sens la constatent, par des mouvements élémentaires insensibles. La divisibilité des sujets qui subissent le décroissement ou l’altération n’entraîne pas la division de ces opérations elles-mêmes. L’altération par exemple peut avoir lieu d’un seul coup (ἀθρόα γίνεται), c’est-à-dire qu’elle peut s’attaquer simultanément à toutes les parties d’un sujet : telle la congélation. Cela posé, il est facile de réfuter la doctrine du mouvement universel. Une altération a un commencement, un milieu et un terme. On constate des repos quant à l’altération. On en constate aussi quant à la translation. Et le repos dans la translation est même nécessaire pour tous les corps qui ont atteint leur lieu naturel (253 b, 6-254 a, 3). — Puisque le mouvement universel est, en fin de compte, inacceptable comme l’immobilité universelle, devons-nous admettre qu’il y a des choses éternellement immobiles, d’autres éternellement en mouvement, et qu’il n’y en a point qui passent par des alternatives de mouvement et de repos ? Cette hypothèse est condamnée, comme les précédentes, par le témoignage

  1. Cf. Phys. VII, 5, 250 a, 15-19. — Le passage que nous analysons est un peu confus, parce qu’Aristote entremêle la division d’une action dans le temps avec la division d’une force et de ses effets en parties, et nous en avons simplifié l’exposition.