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Aristote estime que c’est là une négation détournée du changement, et, contre cette négation détournée et plus subtile, comme contre la négation directe et brutale des Éléates, il entreprend de rétablir le changement dans son intégrité. Si la doctrine qu’il professe à cet égard n’est pas nouvelle en ce sens qu’on peut dire qu’elle est déjà dans ceux des Physiologues qu’on qualifie de dynamistes, toujours est-il qu’Aristote est le premier qui ait analysé la notion du changement et qui, avant de l’admettre, en ait pris pleine conscience. Ce qu’il y a de plus essentiel dans le changement aux yeux d’Aristote, ce ne sont pas les deux contraires qui lui servent de limites, c’est l’intervalle de progrès qui s’étend entre ces deux limites, et cet intervalle est, selon lui, continu. Nous devons donc reprendre ces deux points, c’est-à-dire considérer dans le changement l’intervalle, puis la continuité de cet intervalle.

Le changement, disons-nous, n’est pas, d’après Aristote, une substitution d’un être ou d’un état à un autre : c’est un passage entre les deux extrêmes. Réduit à la pure idée d’un remplacement successif, il est clair en effet que le changement s’évanouit. En effet, changer c’est devenir autre ; ce n’est pas faire place à autre chose. En d’autres termes, le changement implique unité et liaison entre les deux limites qui le circonscrivent. Il faut, pour qu’il y ait changement au vrai sens du mot, qu’il y ait entre l’ancien état de choses et le nouveau une certaine communion. Cette communion se présente à Aristote sous un double aspect. Elle lui paraît supposer d’abord un rapport entre les deux limites, et ensuite un sujet unique sous les termes de ce rapport. Il faut d’abord un rapport entre les limites. En effet ces limites ne sont pas des termes quelconques : tout ne provient pas de tout. Bien loin de là : l’être déterminé auquel le changement aboutit est l’opposé d’un non-être déterminé. Les deux extrêmes sont des contraires dont l’un est une « privation » et l’autre une « habitude » ; bref ce sont des corrélatifs et, de ce chef, il y a entre eux une certaine communauté, la communauté du genre (Phys. I, 5, 188 a, 31-b, 26). Mais cette communauté, en tant qu’on la ramènerait à un pur rapport,