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mouvement. — Un second caractère de la nature, c’est d’être un principe de mouvement pour la chose en quoi elle réside, un principe interne ou immanent. C’est par là que la nature se distingue de l’art. Bien que l’art accomplisse des œuvres que ne fait pas la nature, il n’est cependant qu’une imitation de la nature (Phys. II, 8, 199 a, 15 et 2, 194 a, 21), et la chose artificielle se distingue de l’être naturel, précisément par cette infériorité qu’elle est figée et ne tend vers aucune destinée ultérieure, qu’elle est, en d’autres termes, privée de toute spontanéité : un manteau ou un lit ne renferme, comme tel, aucun principe qui le porte à changer ; si une chose artificielle tend à changer ce n’est pas en tant qu’elle est ce qu’elle est, c’est en tant que faite de terre, d’eau ou de quelque mixte (Phys. II, 1, 192 b, 15-20). Un médecin qui se guérit lui-même se rapproche de la nature en ce que le principe de son action est en lui (ibid. 8 fin). Nous allons voir pourtant qu’il n’atteint pas encore au degré de perfection de la nature ; mais enfin, pour autant que le principe de son action est interne et spontané, il est comparable à la nature. En résumé, pour comprendre le sens et la portée du caractère d’immanence qui appartient à la nature, il suffit de dire avec le livre Λ de la Métaphysique (3, 1070 a, 7) : « l’art est principe en une autre chose (ἀρχὴ ἐν ἄλλῳ), la nature est principe dans la chose même (ἀρχὴ ἐν αὐτῷ) ». — Nous venons d’indiquer qu’il manque encore quelque chose au médecin qui se guérit lui-même, pour être principe de son action comme la nature l’est des mouvements qu’elle imprime à l’être naturel. Ce qui manque au médecin qui se guérit lui-même, c’est de posséder le principe de son action en tant qu’il est le sujet qui subit et en qui se développe cette action. C’est par accident que l’agent et le sujet de la guérison se trouvent ici ne faire qu’un. La nature au contraire est dans le mobile en tant que ce mobile est ce qu’il est, c’est-à-dire un sujet apte à être mû, et réciproquement la nature, de même qu’elle est exigée par le mobile auquel elle est unie, exige ce mobile[1]. — Enfin la nature est dans son

  1. Phys. II, 1, 192 b, 22-36. Cf Thém. paraphr. Phys. 158, 25 sqq. Spengel.