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mouvoir par eux-mêmes. Et Aristote conclut qu’on ferait preuve de faiblesse intellectuelle en demandant une démonstration de l’existence de la nature : aveugle qui ne la voit pas (1, 192 b, 12 et 193 a, 1-9). Sans doute il ne faut pas oublier qu’Aristote essaie ailleurs de faire sentir que, contrairement à la prétention de Démocrite, des mouvements toujours reçus du dehors et toujours dépourvus de cause interne sont en réalité des mouvements sans cause (Phys. VIII, 1 fin). Néanmoins on peut trouver qu’il passe un peu vite sur la réalité de la nature, c’est-à-dire sur la condamnation du mécanisme et l’affirmation du dynamisme ; car il ne s’agit de rien de moins. Mais, à y bien réfléchir, ce n’est pas une constatation des sens qui fonde l’existence de la nature dans le système d’Aristote ; c’est tout l’esprit de ce système. La nature ne se constaterait pas, qu’elle n’en serait pas moins incontestable, péripatétiquement parlant ; car tout autre principe du mouvement est inintelligible : c’est par elle seule que le mouvement peut être compris.

La question de l’existence de la nature ainsi réglée, il nous faut revenir à la notion de la nature et tâcher de l’approfondir. Ce n’est pas tout à fait sans raison que Zeller se plaint qu’Aristote ne nous donne pas assez d’explications lorsque nous voulons nous faire une idée précise de la nature[1]. Quoique la pensée d’Aristote reste peut-être moins vague que cette remarque donnerait à le croire, il est sur que Zeller signale justement plusieurs incertitudes et obscurités. Le mot de φύσις chez Aristote ne désigne pas seulement le principe de mouvement qui se trouve dans un objet concret limité, tel qu’un bloc d’airain ou une motte de terre, et, d’autre part, il ne désigne pas non plus le principe moteur d’une seule espèce d’objets. En d’autres termes il y a, ou il semble y avoir, une nature universelle et, d’autre part, plusieurs sortes de nature. Lorsque, au VIIIe livre de la Physique (1 déb.), Aristote dit que le mouvement éternel est comme une vie des êtres qui existent par nature (φύσει) ; lorsqu’il énonce la proposition fameuse que Dieu et la nature ne font rien en vain (De

  1. Voir Zeller, p. 386, en bas, à 389.