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réponses et les objections d’Aristote que nous venons de résumer, sa vraie raison contre le vide est simplement que sa théorie de l’espace condamne le vide. Si en effet le lieu est un contenant et, par conséquent, ne va jamais sans un contenu, il est clair qu’il ne saurait y avoir d’espace qui ne soit rempli[1].

Après celle du vide, simple corollaire de l’espace, vient naturellement l’étude du temps, puisque, comme on va voir, le temps a d’étroits rapports avec l’espace dans la conception d’Aristote.

On pourrait penser que le temps n’existe pas ou existe à peine quand on réfléchit à son instabilité. Il n’est jamais, puisque l’avenir n’est pas encore, que le passé n’est plus et que le présent est insaisissable. L’instant lui-même, limite du temps, paraît incapable d’exister, parce qu’il doit être toujours autre. Cependant il est impossible de fixer le temps : ce serait le détruire que de mettre ensemble hier et aujourd’hui (10, 217 b, 32-218 a, 30). De fait, Aristote se gardera bien de faire du temps un être.

Qu’est-il ? L’opinion suivant laquelle il serait la sphère même de l’univers ne vaut pas d’être examinée. Mais est-il, comme on l’a dit aussi, le mouvement de l’univers ? C’est impossible ; car, s’il y avait plusieurs univers, il faudrait alors admettre plusieurs temps (10, 218 a, 30-218 b, 9). Cependant, qu’il ne soit pas le mouvement de l’univers, l’opinion générale l’admettrait encore : ce qu’elle veut surtout, c’est que le temps soit un mouvement. Par malheur, un mouvement est une propriété de son mobile, tandis que le temps est commun à tous les mouvements, indépendant des mouvements, pourrait dire Aristote, comme l’espace l’est des corps. De plus un mouvement est rapide ou lent : le temps au contraire a un cours uniforme (218 b, 9-20).

Tout en n’étant pas mouvement, le temps est inséparable du mouvement. La preuve en est facile à faire. Ceux

  1. Ibid., 7, 214 a, 10 : ἐπεὶ δὲ περὶ τόπου διώρισται, καὶ τὸ κενὸν ἀνάγκη τόπον εἶναι εἰ ἔστιν ἐστερημένον σώματος, τόπος δὲ καὶ πῶς ἔστι καὶ πῶς οὐκ ἔστιν εἴρηται, φανερὸν ὅτι οὕτω μὲν κενὸν οὐκ ἔστιν, οὔτε κεχωρισμένον οὔτε ἀχώριστον· τὸ γὰρ κενὸν οὐ σῶμα ἀλλὰ σώματος διάστημα βούλεται εἶναι. διὸ καὶ τὸ κενὸν δοκεῖ τι εἶναι, ὅτι καὶ ὁ τόπος καὶ διὰ ταὐτά.