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tion nous trouverions toujours, après avoir éliminé les déterminations dont l’ensemble est précisément ce qu’on appelle la forme, une chose indéterminée qui peut à sa façon prétendre, comme l’être composé ou comme la forme de cet être, au titre d’οὐσία. Cet indéterminé, c’est, encore une fois, la matière ; si bien qu’on peut définir la matière en disant que c’est ce qui par soi n’est ni qualité, ni quantité, ni aucune autre des déterminations de l’être[1]. — Nul caractère n’est plus apparent ni plus général dans la matière que cette indétermination. C’est en la définissant par lui qu’Aristote a pu généraliser, comme il l’a fait, l’idée de matière pour transporter cette idée du domaine du réel dans celui des abstraits, dire qu’il y a une matière intelligible (ὕλη νοητή) comme il y a une matière sensible, qu’il y a notamment une matière des choses mathématiques, à savoir l’étendue où se tracent et s’individualisent les figures et que, dans la définition, tandis que les différences sont formes, le genre est matière[2]. — Mais la matière n’est pas seulement le fond tout négatif sur lequel viennent se poser les déterminations. Il y a encore en elle quelque chose de relativement positif, bien que cela reste négatif encore si on le compare avec la forme. Pour assigner ce nouveau caractère, il faut que nous retournions encore au devenir. Si la détermination que le changement apporte à la matière était en elle, avant le changement, simplement quelque chose qu’elle ne possède pas, en entendant cette non-possession comme une négation absolue, alors, quand la détermination serait apportée à la matière, elle lui resterait étrangère. Pour que la matière se l’approprie, il faut, en quelque sorte, que la détermination ait été en elle avant d’y être. En d’autres termes, la matière c’est

  1. Métaph. Ζ, 3, surtout 1029 a, 16 : ἀλλὰ μὴν ἀφαιρουμένου μήκους καὶ πλάτους καὶ βάθους οὐδὲν ὁρῶμεν ὑπολειπόμενον, πλὴν εἴ τί ἐστι τὸ ὁριζόμενον ὑπὸ τούτων, ὥστε τὴν ὕλην ἀνάγκη φαίνεσθαι μόνην οὐσίαν οὕτω σκοπουμένοις. λέγω δ’ ὕλην ἣ καθ’ αὑτὴν μήτε τὶ μήτε ποσὸν μήτε ἄλλο μηδὲν λέγεται οἷς ὥρισται τὸ ὄν.
  2. Voir, pour le premier point, ibid. 10, 1036 a, 9 : 11, 1036 b, 35 ; cf. 10, 1036 a, 3 et 21, pour le second point, Bonitz, Ind., 787 a 19 et supra, p. 115 et 123 ; voir aussi p. 268, n. 4.