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général, de tout changement physique et par conséquent nous avons à voir quelle est la nature des causes et combien il faut compter d’espèces de causes (ibid., déb. du chap.). Aristote, comme on sait, compte quatre sortes de causes : la matière, la forme, le moteur, la fin (ibid.)[1]. Ces quatre sortes de causes se divisent en deux classes, les deux premières et les deux dernières se rangeant naturellement ensemble. Nous avons donc d’abord à nous occuper de la matière et de la forme. Après avoir cherché à les définir l’une et l’autre et à déterminer ce qu’est leur relation mutuelle, nous indiquerons quel est leur rôle, en tant qu’on les considère spécialement comme causes.

C’est en étudiant le problème du changement qu’Aristote a été amené à créer dans ce qu’ils ont de plus original les deux concepts de forme et surtout de matière[2]. C’est donc seulement quand nous exposerons la théorie du changement que nous pourrons comprendre tout à fait le sens de ces deux concepts. Mais nous pouvons dès maintenant indiquer en gros comment la forme et la matière sont requises par le changement ; et, d’autre part, nous pouvons nous rendre compte de ce que sont la forme et la matière à tous les autres points de vue. Nous insisterons d’abord sur la matière. — Le changement suppose en premier lieu une chose, un sujet qui change ; en d’autres termes, il faut, dans le changement, quelque chose qui soit indépendant de l’attribut qui disparaît et de celui qui apparaît. Si le changement se réduisait à la succession de deux états qui ne seraient les états de rien, à la succession du blanc, au noir par exemple, selon Aristote il n’y aurait plus de changement. En effet le changement ne se comprend que par une permanence qui s’y oppose, et, si l’on considère un changement en lui-même sans se reporter à un repère

  1. Cf. Métaph. Α, 3 déb. Pour les différents synonymes, voir Bonitz, Ind. 22 b, 29 et 610 a, 9. Le plus intéressant est ποιητικὸν αἴτιον pour désigner le moteur.
  2. Voir les trois derniers chapitres du livre I de la Physique et Métaph. Η, 5, 1044 b, 27 : οὐδὲ παντὸς ὕλη ἔστιν ἀλλ’ ὅσων γένεσις ἔστι καὶ μεταβολὴ εἰς ἄλληλα. ὅσα δ’ ἄνευ τοῦ μεταβάλλειν ἔστιν ἢ μή, οὐκ ἔστι τούτων ὕλη. Cf. Bonitz, Ind. 783 a, 1 sqq.