Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extrême généralité et de sa compréhension extrêmement réduite, la thèse de Zeller serait plus spécieuse que pour aucun autre, ne fait pas exception. Au chap. 4 du livre Γ (1006 a, 11) de la Métaphysique, Aristote parle d’établir le principe de contradiction par réfutation (ἀποδεῖξαι ἐλεγκτικῶς) : par réfutation, c’est assurément d’une manière indirecte. La dialectique, à propos de chaque principe, nous apprend surtout où il ne faut pas le chercher. Les éliminations convenables étant opérées par elle, l’œil de la pensée ne s’égare plus ; il va droit, dans la sensation, au principe qui servira de base à la science. Mais, en l’absence de cette sensation et de l’intuition intellectuelle qui s’y applique, le principe n’existerait pas pour nous. C’est une proposition célèbre des Seconds analytiques[1] que, si une espèce de sensation nous manque, une science disparaît avec elle. Au reste il est vrai qu’une opinion a toujours chance d’être une vérité, et qu’elle a d’autant plus de chances qu’elle est plus répandue ; car l’esprit humain va naturellement vers la vérité[2]. Mais les opinions ne remplacent pas pour cela l’intuition intellectuelle, et la vraie doctrine d’Aristote sur les principes sera toujours celle que résume la proposition célèbre : λείπεται νοῦν εἶναι τῶν ἀρχῶν (Éth. Nic. VI, 6 fin). Si Aristote avait professé la doctrine que lui prête Zeller, il aurait contredit la distinction capitale qu’il a si définitivement aperçue et posée entre la dialectique et la science.

Nous venons de voir combien la science se distingue de la dialectique. La dialectique ne touche pas directement les choses et peut, tout au plus, procurer sur le vrai des vues probables, probables parce qu’après tout il y a des chances pour que le coup d’œil de la majorité des hommes ou celui des habiles gens ne portent pas entièrement à faux. La science au contraire est caractérisée par une certitude complète et immuable[3]. Cependant la science, selon Aris-

  1. I, 18 déb. : … εἴ τις αἴσθησις ἐκλέλοιπεν, ἀνάγκη καὶ ἐπιστήμην τινὰ ἐκλελοιπέναι…
  2. Cf. les textes cités par Zeller, p. 343, n. 3.
  3. Top. V, 2, 130 b, 15 : … ἐπιστήμης ἴδιον ὑπόληψιν ἀμετάπειστον