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l’un de l’autre ces deux éléments de la pensée jugeante et raisonnante. La distinction faite, nous appellerons les termes matière, et nous appellerons forme les rapports. Dans une proposition, par conséquent, la forme ce sera ce qui est exprimé par la copule et nous pourrons dire que ce qui caractérise chez Aristote, soit les modes privilégiés, soit, pour mieux dire, les modes, c’est qu’ils concernent le rapport du prédicat au sujet, qu’ils portent sur la copule. Et nous verrons tout de suite par là, les rapports étant beaucoup plus généraux que les termes, comment il est possible de faire une théorie des modes, puisque le risque de se perdre dans l’infinité sera écarté. Or, que les modes selon Aristote, et non pas à vrai dire des modes privilégiés mais tous les modes, concernent le rapport du prédicat au sujet et portent sur la copule, c’est ce qui nous paraît incontestable[1]. Au reste le fait qu’Aristote, pour dire qu’il y a des modes, dit qu’il y a des propositions contingentes, comme il y a des propositions exprimant simplement le fait que le prédicat existe ou n’existe pas par rapport au sujet, ce fait est suffisamment éloquent (Pr. an. 1, 2 déb., cf. 8 déb.). Car, si la forme, c’est-à-dire l’essence de la proposition, c’est le rapport et la copule, caractériser la modalité en disant que c’est une manière d’être de la proposition, cela revient bien à professer que le mode porte sur la copule.

Voilà donc ce que c’est qu’un mode en générai pour Aristote. Quant aux espèces de modalité, elles sont au nombre de deux, lorsque du moins on ne compte pas

  1. Rondelet, qui croit qu’Aristote, tout en n’ayant pas eu la conscience de cette opinion, en a eu pourtant le soupçon, renvoie, pour prouver l’existence de ce soupçon, à deux passages des Pr. an., dont le meilleur ne nous semble pas très probant. Aristote dit bien dans ce passage, I, 3, 25 b, 21, que le mot ἐνδέχεται est à mettre sur le même rang que le mot ἔστι (τὸ γὰρ ἐνδέχεται τῷ ἔστιν ὁμοίως τάττεται). Malheureusement tout ce qu’il s’agit d’établir dans le passage, c’est qu’une proposition où figure ἐνδέχεται est une proposition affirmative, comme celle où figure ἔστι. De même, et plus clairement peut-être, dans le second passage, I, 13, 32 b, 1-3. Et il y a encore assez loin de là à l’idée que le mot ἐνδέχεται n’est, au fond, qu’un adverbe portant sur la copule. Voir Rondelet, p. 65, n. 1.