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la fonction principale du verbe est précisément d’indiquer la composition, de marquer que quelque chose est ajouté à quelque chose[1]. Le passage de l’Hermêneia où cette idée est exprimée, et dont il faut rapprocher un texte du De anima[2], nous fait faire un pas de plus, en nous montrant en quoi consiste la composition que marque le verbe, c’est celle de l’attribut avec le sujet. — Le jugement est donc multiple, en ce sens qu’il contient deux termes distincts, un sujet et un attribut. Tandis que dans le concept on ne saurait distinguer des parties, le jugement n’est ce qu’il est qu’à la condition de mettre, en présence deux choses séparées et de rapporter l’une à l’autre. Peu importe d’ailleurs que la discursivité de l’opération se marque par une composition ou par une division : on peut dire également que juger consiste à attribuer un prédicat à un sujet, et à discerner dans l’unité d’une notion qui les enveloppait tous les deux un sujet et un prédicat[3]. Ce qu’il faut retenir c’est la dualité de termes qui est toujours présente dans le jugement.

D’où vient cette multiplicité essentielle du jugement ? Pour répondre, commençons par considérer quelles sont les diverses sortes d’attributs que le jugement peut, selon Aristote, rapporter à un sujet. Il y a trois espèces d’attributs. Il y a d’abord le συμβεβηκὸς καθ’ αὑτό, l’attribut qu’un lien interne et nécessaire rattache au sujet. Mais cette sorte d’attribut se présente sous deux formes ; car ce peut être la

  1. Hermen., 3 déb. : ῥῆμα δέ ἐστι τὸ προσσημαῖνον χρόνον, οὗ μέρος οὐδὲν σημαίνει χωρίς… οἷον ὑγίεια μὲν ὄνομα, τὸ δὲ ὑγιαίνει ῥῆμα· προσσημαίνει γὰρ τὸ νῦν ὑπάρχειν. Cf. De An. III, 6, 430 a, 30 : ce qui caractérise, par opposition à l’intuition infaillible du « impie, le mode de pensée qui comporte vérité et erreur (voir plus loin, p. 161), c’est essentiellement la σύνθεσις : ταῦτα κεχωρισμένα συντίθεται…· ἂν δὲ γενομένων ἢ ἐσομένων, τὸν χρόνον προσεννοῶν καὶ συντιθείς. Il convient de mettre l’accent sur les mots συντίθεται, συντιθείς. Cf. Poét. 20, 1457 a, 14-18.
  2. Hermen., loc. cit. (après χωρίς b, 10 sq.) : καὶ ἔστιν [sc. τὸ ῥῆμα] ἀεὶ τῶν καθ’ ἑτέρου λεγομένων σημεῖον…, οἷον τῶν καθ’ ὑποκειμένου ἢ ἐν ὑποκειμένῷ. De An. III, 6, 430 b, 26 : ἔστι δ’ ἡ μὲν φάσις τι κατά τινος, ὥσπερ ἡ ἀπόφασις, καὶ ἀληθὴς ἢ ψευδὴς πᾶσα…
  3. De An. III, 6, 430 b, 3 : ἐνδέχεται δὲ καὶ διαίρεσιν φάναι πάντα.