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DIXIÈME LEÇON


LE JUGEMENT

Les choses qui sont les objets de la pensée étant les mêmes pour tous les hommes, elles provoquent dans les âmes des représentations qui, en somme, sont partout les mêmes. Ces représentations sont traduites par les hommes au moyen des signes du langage, qui sont traduits à leur tour par ceux de l’écriture. Les signes du langage, à la différence des représentations, ne sont pas partout les mêmes, ils varient au moins avec chaque peuple, et cela se comprend, car le langage n’est pas un instrument naturel de la pensée et c’est par convention que les mots désignent les représentations[1]. Mais, si les langues diffèrent, elles ont pourtant toutes ceci de commun qu’elles sont chacune une traduction des états de la pensée. On peut donc s’aider des formes du langage comme d’un moyen extérieur pour trouver les divers états de la pensée. Or le langage présente avant tout deux aspects qui sautent aux yeux : on peut considérer en lui d’abord les mots pris un à un et sans lien, les noms et les verbes isolés les uns des autres, ἄνευ συμπλοκῆς comme disent les Catégories (2 déb. ; cf. 10, 13 b, 10} ; il y a d’autre part la liaison des mots entre eux et celle-ci constitue le discours. Corrélativement, il faut distinguer les pensées isolées et les pensées dans lesquelles il y a liaison, soit sous forme de réunion, soit sous forme de séparation[2]. Dans les pensées isolées,

  1. Voir Hermen. 1 déb. à 16 a, 11, et, sur le caractère conventionnel du langage, ibid. 2 déb. et 4, 17 a, 1 sq.
  2. Hermen., 1, 16 a, 13 sq. : τὰ μὲν οὖν ὀνόματα αὐτὰ καὶ τὰ ῥήματα ἔοικε τῷ ἄνευ συνθέσεως καὶ διαιρέσεως νοήματι…