Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux, et aussi, dans le cas où il y en a, avec les termes intermédiaires. En second lieu, quelles que soient, quand on y regarde de près, les incertitudes de la doctrine sur ce point, Aristote a bien reconnu que le passage de l’un à l’autre des opposés est un procédé de la pensée, qui ne saurait se confondre avec aucun autre et qu’on ne saurait laisser passer inaperçu. Par différentes formules il a très fréquemment indiqué que la pensée ne peut séparer les opposés et qu’ils sont l’objet d’une seule et même connaissance. Il ne dit pas seulement, considérant une espèce d’opposés : « la science des contraires est une », mais, d’une manière tout à fait générale : « c’est à une seule et même science qu’il appartient de spéculer sur les opposés[1] ». Enfin la troisième raison est sans doute la principale. Le problème de l’attribution a été, pour plusieurs des Sophistes et pour deux ou trois des petites Écoles socratiques, une question capitale, pour ne pas dire la question capitale. Platon en avait senti toute l’importance, bien que la solution lui en parût facile et que les négations d’Antisthène lui semblassent des pauvretés (Soph. 251 b). Aristote connaît le problème comme son maître. Il parle d’Antisthène, qui voulait qu’on énonçât chaque chose séparément sans lui rapporter d’autre attribut que son concept propre[2]. Il mentionne dans la Physique l’embarras des derniers prédécesseurs de Socrate, du sophiste Lycophron notamment, en face de l’attribution ; car ces philosophes redoutent d’être obligés, en l’admettant, de professer qu’une même chose est à la fois une et plusieurs[3]. Devant l’impossibilité de l’attribution, toute spéculation fût du même

  1. τῶν ἐναντίων μία ou ἡ αὐτὴ ἐπιστήμη — μιᾶς ἐπιστήμης τὰντικείμενα θεωρῆσαι. Cf. Bonitz, Ind. 247 a, 43 et 64 a, 27.
  2. Métaph. Δ, 30, 1024 b, 32 : διὸ Ἀντισθένης ᾤετο εὐήθως, μηδὲν ἀξιῶν λέγεσθαι πλὴν τῷ οἰκείῳ λόγῳ ἓν ἐφ’ ἑνός… Cf. Η, 3, 1043 b, 23-28.
  3. Phys. I, 2, 185 b, 25 : ἐθορυβοῦντο δὲ καὶ οἱ ὕστεροι τῶν ἀρχαίων ὅπως μὴ ἅμα γένηται αὐτοῖς τὸ αὐτὸ ἓν καὶ πολλά. διὸ οἱ μὲν τὸ ἐστὶν ἀφεῖλον, ὥσπερ Λυκόφρων, οἱ δὲ τὴν λέξιν μετερρύθμιζον, ὅτι ὁ ἄνθρωπος οὐ λευκός ἐστιν ἀλλὰ λελεύκωται, οὐδὲ βαδίζων ἐστὶν ἀλλὰ βαδίζει, ἵνα μή ποτε τὸ ἐστὶ προσάπτοντες πολλὰ εἶναι ποιῶσι τὸ ἕν, ὡς μοναχῶς λεγομένου τοῦ ἑνὸς ἢ τοῦ ὄντος. Cf. Métaph. Η, 6, 1045 b, 7 sqq. et Bonitz, ad loc.