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en soit du reste, peu importe. Car Aristote a encore une autre manière plus fondamentale de comprendre la simplicité des natures simples. Le type primitif de ces natures ne comporte même pas de matière logique. Au-dessus des natures simples, qui le sont à la façon du cercle, lequel a une matière logique savoir le genre figure plane, il y a les natures simples qui sont immédiatement ce qui s’appelle unes, savoir, avec quelques autres également primitives et irréductibles, ces notions qui n’ont pas de genre : l’être et les catégories, substance, qualité, etc.[1]. La simplicité des natures simples ainsi comprises se distingue absolument d’une unité de point de vue et de rapport ; cette simplicité n’est plus une affaire de point de vue : c’est une réalité par soi. S’il en est ainsi, l’objet du concept est une chose prise en elle-même ou un terme, c’est-à-dire une essence, c’est-à-dire une nature simple, c’est-à-dire quelque chose qui est simple inévitablement et par soi.

Mais de la nature de son objet suit immédiatement celle du concept, avec celle de l’acte par lequel il est conçu : au νοητόν simple correspondent un νόημα simple et une νόησις simple. Le concept est une intuition dans toute la force du terme. Il n’y a en lui aucune discursion. C’est une intuition, intellectuelle bien entendu ; et, enfin de compte, il n’y en a sans doute pas d’autre. Qu’elle soit intellectuelle, cela ne l’empêche pas d’être aussi véritablement, et même, a coup sûr, plus véritablement, étrangère à toute discursion que l’intuition sensible, qui peut cependant servir ici de terme de comparaison, comme étant quelque chose de plus connu pour nous. Le concept est, pour reprendre les termes par lesquels le De anima et la Métaphysique qualifient la perception des natures simples, une intuition comparable à la vision d’un objet propre de la vue, ou encore à l’acte de toucher[2].

  1. Métaph. Η, 6, 1045 a, 33 : ἔστι δὲ τῆς ὕλης ἡ μὲν νοητὴ ἡ δ’ αἰσθητή, καὶ ἀεὶ τοῦ λόγου τὸ μὲν ὕλη τὸ δ’ ἐνέργειά ἐστιν, οἷον ὁ κύκλος σχῆμα ἐπίπεδον. ὅσα δὲ μὴ ἔχει ὕλην, μήτε νοητὴν μήτε αἰσθητήν, εὐθὺς ὅπερ ἕν τί ἐστιν ἕκαστον, ὥσπερ καὶ ὅπερ ὄν τι, τὸ τόδε, τὸ ποιόν, τὸ ποσόν. Cf. Bonitz, Métaph., II, ad loc. et, sur toute la théorie des notions simples, Rodier, Aristote. Traité de l’âme, II, 473-476.
  2. De an. III, 6 fin, 430 b, 29 : ἀλλ’ ὥσπερ τὸ ὁρᾶν τοῦ ἰδίου ἀληθές,