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aucune trace d’une chose rapportée à une autre. Et en effet, d’une part, Aristote fait du mot ἁπλᾶ un synonyme de τὰ τί ἐστι[1], et, d’autre part, il oppose ces natures simples au groupe formé par un sujet et un attribut et l’acte mental qui saisit ces natures simples, au jugement[2].

La simplicité des natures simples n’est d’ailleurs aucunement affaire de relation et de point de vue ; c’est une simplicité essentielle, ou, mieux encore, en prenant l’épithète dans toute sa force, une simplicité réelle. C’est ce dont on se rend compte, si l’on songe aux deux acceptions dans lesquelles Aristote paraît avoir pris ces expressions d’ἁπλᾶ, d’ἀδιαίρετα, d’ἀσύνθετα, choses simples, indivisibles, incomposées. — En un sens les natures simples sont pour lui toutes les formes pures sans exception. Il parle d’une unité et d’une indivisibilité qui consistent, sans plus, dans le fait de tomber d’un seul coup sous la pensée et d’être formellement ou spécifiquement une seule chose[3] ; et le chap. 6 du livre III du De anima se termine par la déclaration qu’il faut considérer comme des indivisibles tout ce qui est sans matière, ὅσα ἄνευ ὕλης[4]. Prise en ce sens, la simplicité de la nature simple n’exclut, pas plus que celle de la monade de Leibnitz, un certain genre de composition. C’est en ce sens assurément, que le plus réel des êtres, celui dont la nature a le plus de richesse, est une nature simple. Mais, même ainsi entendue, la simplicité n’est sûrement pas identique à celle qui résulterait de l’unification, toujours extérieure, d’une matière concrète ou presque concrète et d’une forme, comme par exemple la simplicité de l’essence de l’homme ou du camus. La simplicité d’une forme pure, même lorsque cette forme contient une matière logique, est une simplicité interne et nécessaire, précisément parce que l’absence de matière, dans l’acception propre du mot matière, supprime toute espèce de distance entre les parties de la forme, qui dès lors se pénètrent et s’unifient. — Quoi qu’il

  1. Métaph. Θ, 10 ; Ε, 4, 1027 b, 27. Cf. Bonitz, Métaph. II, 410 sq.
  2. Voy. par ex., outre Métaph. Θ, 10, De an. III, 6, 430 b, 26.
  3. Par ex. Métaph. Ι, 1, 1052 a, 34 ; De an. III, 6, 430 b, 14.
  4. Cf. aussi Métaph. Η, 6 fin. (passage suspect à la vérité, à partir de 1045 b, 19).