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aux lèvres fines, à l’œil sagace, hardi et moqueur, qui n’a rien de la vulgarité puissante du pamphlétaire, mais une froide et sèche assurance, et la conscience orgueilleuse de son charme et de sa force, ou bien encore ce nigaud et bonnasse chevalier de Malte du Prado, à la barbe noire et trop soignée, au costume opulent et sombre, puis le cardinal Hippolyte de Médicis, en magnat hongrois qui est au Musée de Naples, et le puissant, le cordial Giovanni Moro du Musée de Berlin ; ce serait une prodigieuse galerie que celle des portraits de Titien, et encore n’en possédons-nous qu’une faible partie. D’autres ont pu mettre dans leurs portraits plus d’eux-mêmes, de leur expérience ironique ou de leur sentiment douloureux de la vie. Titien comme Vélasquez y porte une objectivité absolue ; il aime également la vie en toutes ses manifestations : il la scrute et l’exprime avec une égale sympathie. On peut supposer que la sociabilité insinuante, caressante et fine de l’homme ne fut pas inutile au peintre. Il semble avoir porté dans l’étude des types humains la curiosité universelle du savant ; l’impartiale passion du naturaliste qui étudie du même amour l’herbe vénéneuse et la plante salutaire. À coup sûr, il a possédé au plus haut degré la fermeté sobre qui concentre l’effet, et la pénétration du moraliste qui met en relief l’être intime. Il a deviné des énigmes et révélé des caractères, et ses portraits évoquent à nos yeux le roman d’une vie humaine.

Alphonse d’Este mourut en 1534 ; Titien dut refaire