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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

Ce dernier vers est beau ; les auteurs des nouveaux Manuels, et ceux qui introduisent Rabelais dans l’école primaire, pourraient le méditer avec fruit. Il y a de tout, au reste, dans ce livre ; l’homme brutal y est assimilé à un cannibale :

Tel un Topinambout[1] ou Margajat sauvage,
Qui nourrit en pourceau son ennemy captif,
Puis l’assomme, boucane et dévore brutif ;
Ou le Canadien qui, cruellement pire,
Le brûle à petit feu, couppe, ecorche et dechire…

Cette comparaison appartient tout entière à Rivière, qui dut en trouver les éléments dans les relations à demi fabuleuses de P. Martyr de Milan ou de Gonzalve d’Oviedo, quoique, en ce qui concerne les sauvages du Canada, Jacques Cartier, Champlain et Lescarbot confirment cet horrible récit. Rivière est en veine d’invention ; son guide céleste — j’ai oublié de dire qu’il en avait pris un pour démêler les ténèbres de ce chant — son guide le quitte, appelé près du Père Empyrée, qui veut, tenir conseil en la chambre dorée[2], sur d’importantes matières théologiques.

D’autant que le Momus sur le bureau mettoit
Un affaire important[3] à plusieurs, qui étoit,

  1. Les Topinambou (Topinimbae) sont des peuplades sauvages de l’Amérique du Sud. Jean de Léri en parle dans son Histoire du Brésil ; mais on ne voit pas trop quel rapport ils ont avec les Margajat (ce dernier mot désignant, d’après le Dictionnaire de Trévoux, « un homme petit et mal fait, sans aucune mine »).
  2. La Chambre dorée (c’était le lieu où se rendait la justice suprême) est le titre du livre III des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné.
  3. Affaire était autrefois du masculin.
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