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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

Le Soleil estant cheut, le jour restast au monde ?
Mort il nous a laissé, par miracle, la paix,
Que vif acquise avoit par miraculeux faits.
Ô paix, heureuse Paix, par toy nos prez fleurissent,
Et de barbus epys nos plaines se herissent,
Par toy fait ses labeurs, libre, le paisan,
Le marchand son traffic, son metier l’artisan ;
Par toy nous esperons voir revivre la France
Et chasser loin de nous l’ancienne ignorance,
France, qui vas tes flancs de ta main propre ouvrant,
Et sous un faux visage, ainsi te déchirant…
Mais l’éclipse est passée et nos yeux éblouis
Voyent or’ la splendeur de nôtre Roy Louys ;
La bourrasse acoisée, ores luit la bonasse[1].
C’est, ô France, c’est Dieu qui te fait cette grâce,
Qui te donne à loisir l’embonpoint du relaix,
Et qui te montre encore un saint elme de paix[2],
Par la conjonction et futur Hymenée
De l’Ayné de tes Lys d’Espagne avec l’Aynée ;
Ô mariage heureux brassé de Medicis
L’an six cens après mille avec la fleur de lys !…
Mais plus heureux cetuy par la double alliance
De la France à l’Espagne et d’Espagne à la France ;
Dieu la veuille conclure et nous donner sa paix,
Pour, son nom benissans, le louer à jamais !

Rivière a pris soin de nous indiquer, en marge, qu’il composa, l’an 1612, ce morceau d’une si noble et patriotique allure ; je n’ai pas hésite, malgré quelques obscurités et quelques faiblesses d’expression,

  1. Bourrasse, Bonace, orthographe fautive, pour Bourrasque, Bonace
    (calme de la mer).
  2. Cette expression bizarre, elme de paix, dérive certainement du feu Saint-Elme, sorte de météore qui s’attache aux mâts des vaisseaux, après la tempête.