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LE PÈRE ALEXANDRE

Soit de droit fil, soit de travers,
Et ta valeur par tout le monde
Paroist à nulle autre seconde.
Des Ardans ne se met à bas
Ny par le haut ny par le bas ;
Un coup de canon luy emporte
Une jambe, mais son cœur porte
Ce coup de foudre, dont l’effort
Eust rendu tout autre corps tort ;
Mais pour des Ardans, de pié ferme
Il pousse tousjours vers son terme,
Il veut la gloire du combat ;
Une jambe deux en abat.
Et son capitaine La Brousse,
Qui receut pareille secousse
Au bras que des Ardans au pié,
Ne paroist point estropié :
Quand il est question de combattre,
Il fait tousjours le diable à quatre.
Mille autres j’aurois à nommer
Qu’on pourroit plustot assommer
Que de les voir dans la retraitte,
Avant d’avoir mis en deffaitte
Les ennemis de leur grand Roy.
Mais il n’appartient pas à moy
D’en faire icy tout le partage.
À une autre fois davantage.

Approchons de nostre Intendant :
Voyons cet esprit surveillant,
Admirons sa rare conduite,
Sa raison qui, de tout instruitte,
Agit tousjours incessamment,
Est tousjours dans le mouvement.
Tantost l’arsenal il fréquente,
Tantost les vaisseaux il augmente ;
De là il vient voir les mestiers,
Sculpteurs, armuriers, serruriers ;
Test après, il passe en reveüe
Les compagnies et leur recrüe.
Bref, pour servir sa Majesté
Son esprit est tout arresté.
Le jour et la nuit il travaille,
Il n’est point de lieu où il n’aille.
En un mot l’intendant Du Sueil
Tient à Brest place du soleil.
Ce soleil me fist une grâce
Qu’il n’est possible que je passe.
Connaissant l’extrême désir
Que j’avois, avant de partir,
De voir ces vaisseaux admirables
Et tous les lieux considérables
De Brest, ce beau, ce fameux port,
Aussitôt, il appelle à bord
Et fait amener sa chaloupe,
Disant à la petite troupe
De matelots : « Menez partout,
De l’un jusques à l’autre bout,
Ce révérend père Alexandre. »


Nous alasmes d’abord descendre
Ou, bien mieux, monter au Soleil :
Ce vaisseau n’a point de pareil
Pour sa grandeur et sa sculpture,
Largeur, hauteur, force, dorure ;
Aussi, pour un grand admiral
Il faut un vaisseau sans égal.
Du Soleil ma troupe me mène
Dans le second, nommé la Reine ;
La Reine, admirable vaisseau,
Après le Soleil le plus beau.
Le Saint-Philippe est le troisième ;
Le Tonnant est le quatrième.
Ces quatre vus, je fus content.
Donc, à la sortie du Tonnant,
L’on me conduist à Recouvrance,
Pour y voir la magnificence,
L’ordre de ce grand arsenal,
Qu’on peut nommer lieu principal,
À raison de la symétrie
Dont est rangée l’artillerie,
Du grand nombre de mousquetons,
Pistolets, espées et canons,
Piquez, lances, boulets et poudre :
Lieu, dis-je, principal du foudre,