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L’ABBÉ DE FRANCHEVILLE

l’amour respectueux à la Scudéry ; « de l’amour, non pas tel qu’on le fait dans le petit monde, mais de celui qui durerait des siècles avant de rien entreprendre ni entamer. »

J’insistais sur ce platonisme, à propos de l’abbé de Montigny. Je ne puis malheureusement pas l’affirmer de la même façon pour son cousin. Montigny ne prit pas seulement la tonsure et le petit collet ; il entra réellement dans les ordres, devint aumônier de la reine-mère et, plus tard, évêque de Léon ; il peut donc avantageusement soutenir la comparaison avec Godeau et Fléchier ; l’abbé de Francheville, au contraire, ne se sentant point la vocation ecclésiastique, jugea prudent de se contenter de l’habit, sans jamais se lier dans les ordres sacrés ; il fut abbé, il est vrai, mais abbé à la manière de Mathieu de Montreuil, son intime ami, à la manière de Marigny, de Ménage et de tant d’autres ; abbé de nom, vêtu de noir et touchant les bénéfices, mais non pas abbé de fait : abbé, sans exercice du saint ministère. Aussi le verrons-nous bientôt jeter alertement le petit collet, et, sans plus de façons, se marier à soixante ans, sans exciter le moindre scandale.

Cela nous donne plus de liberté pour juger ses poésies, toutes d’allure fort cavalière. On ne les a jamais réunies en volume, mais on en trouve un grand nombre dans le tome III du Recueil de Serçy, qui parut en 1657. L’abbé de Francheville s’y trouve en compagnie de Benserade, de Montreuil, de Sarrasin, de l’abbé de Laffemas et de son cousin de Montigny,