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JEAN BARRIN DE LA GALISSONNIÈRE

sificateur venu ; s’il était soutenu par son modèle latin, il avait aussi pratiqué les bons écrivains français de son époque. De tels vers, même traduits, valent assurément ceux que les contemporains bretons de l’auteur, René de Bruc de Montplaisir ou Jean de Montigny, inséraient dans les nombreux recueils du temps. Il n’est que juste d’ajouter que Barrin poète original est loin de valoir Barrin traducteur. À la fin de la toute première édition des Epistres d’Ovide (1666), qui ne renferme que les six premières de ces épîtres, est une pièce sur le compte de laquelle le traducteur-auteur s’exprime ainsi, dans sa préface : « Si j’ay quitté la traduction, pour adjoûter une elegie toute de moy, j’espere que l’on en fera un jugement assez favorable qui ne coûtera rien à ceux qui le feront. » Il nous en coûte, malheureusement, de louer les cent dix alexandrins que Barrin a tirés de son cerveau, et intitulés : « Pleurs d’Énée sur la mort de Didon. » Un genre factice, que le talent ingénieux d’Ovide n’avait pu sauver de l’emphase et de la préciosité, devait aboutir, chez un disciple un peu inexpérimenté, au pathos et au fin galimatias ; les sévérités d’un réformateur littéraire, d’un Boileau, seraient bien explicables contre des vers comme ceux-ci :

Je sçavois que l’amour avoit des embarras,
Mais qu’il eust des tombeaux je ne le sçavois pas,
Et mon cœur mal instruit avoit cru que ses armes
Sans aller jusqu’au sang ne s’étendaient qu’aux larmes…
Ce feu me possédoit sans posséder mon âme,
J’estois plus ébloui que je n’avois de flâme…