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DU BOIS-HUS

Dont le corps tortueux chargé de cent rivières,
Décharge au Pont-Euxin son liquide fardeau,
Ce fleuve dont le cours dévore tant de fleuves
Et fait tant de provinces veuves,
Emportant leurs maris dans un gouffre commun,
Qui naist Luthérien, meurt Turc, vit Catholique,
Et, contre le devoir d’un sage domestique,
Change trois fois de maistre et n’en retient pas un ;

Ce voyageur si merveilleux,
Qui, demeurant toujours au lieu de sa naissance,
Sans quitter le berceau de sa première enfance,
Mesure cent païs de son pas orgueilleux,
Voit Souabe et Bavière, Austriche, Hongrie et Dace,
Se laissant tout où son eau passe,
Petit nain en géant de luy mesme croissant,
Et déguisant son nom depuis la Bulgarie,
Luy mesme son chemin et son hostellerie,
Ne repose jamais qu’en la mer du Croissant.

Cette description si imagée, où des traits de mauvais goût ne gâtent pas un ensemble ingénieusement observé, ce curieux exemple de naïveté précieuse, auraient droit de nous arrêter ; mais le poète nous entraîne. Quel vaste champ il ouvre aux exploits futurs de son roi ! Ce n’est pas l’Italie seulement, ce ne sont pas l’Espagne et l’Empire qui mettront leurs couronnes à ses pieds,

Il va briser les fers de la Grèce captive…
Le Croissant a pasly voyant son galion…
Il va planter les lys au sein de l’Idumée…
Les Tritons estrangers adorent son trident,
Et les vieilles échos des masures de Troye,

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