Page:Haase - Syntaxe française du XVIIe siècle.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 16. La langue du xviie siècle, au lieu de en qui prédomine dans la langue moderne, emploie très souvent le possessif non réfléchi de la 3e pers. se rapportant à des choses, sans toutefois exclure en de son usage.

Ex. : J’ai honte de ma vie, et je hais son usage, Depuis que je la dois aux effets de ta rage. (Corn., Méd., III, 3, 865.) — On se croit naturellement bien plus capable d’arriver au centre des choses que d’embrasser leur circonférence. (Pasc., Pens., I, 31.) — Mais quand vous avez fait ce charmant « quoi qu’on die », Avez-vous compris, vous, toute son énergie ? (Mol., F. sav., III, 2, 795.) — Il étoit impossible de redresser nos républiques, ni même d’empêcher leur ruine. (Fén., Dial. d. Morts, 33.)

Bouhours (I, 157) se prononce pour l’usage moderne. Voy. § 9, II, D. Id. la grammaire de Port-Royal, 2e partie, ch. VIII, 1.

Remarque I. Contrairement à l’usage actuel, leur se rapporte quelquefois, au lieu de son, à chacun. Ex. : Les juges corrompus, les usuriers... sont dispensés assez largement de restituer ce qu’ils gagnent chacun dans leur métier. (Pasc., Prov., VIII.) Ici chacun est pris dans un sens collectif. — Je prends ses conseils (de mon fils) et ceux de la Montagne, sachant bien l’amitié qu’ils ont pour moi, chacun en leur espèce. (Sév., VIII, 86.)

Remarque II. On trouve souvent le possessif de la 3e pers. à la place d’un pronom personnel avec une préposition. Ex. : Il est même en secret de son intelligence [d’intelligence avec lui]. (Corn., Théod., V, I, 2.) — On peut de même tuer les faux témoins et le juge, s’il est de leur intelligence. (Pasc., Prov., VII.) — Il (l’homme) ose dire que Dieu ne le peut pas rendre capable de sa communication. (Id., Pens., I, 286.) — J’y consens de bon cœur Et tiens son alliance à singulier honneur. (Mol., F. sav., II, 4, 402.)

§ 17. Dans l’ancien français le possessif tonique (le mien, le tien, le sien, etc.) est généralement construit avec un substantif comme les pronoms adjectifs mon, ton, son, etc. Cet emploi se trouve encore chez tous les auteurs du xvie siècle, tandis qu’au xviie il devient plus rare. À cette époque le possessif tonique se construit :

A. avec l’article défini chez Molière, dans les Contes de La Fontaine et fréquemment chez Scarron. Dans ce cas le pronom est placé après le substantif.

Ex. : Et n’appréhendez plus l’interruption nôtre. (Mol., Dép.