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stricte soi et le pronom de la 3e pers. employé à la place d’un pronom réfléchi.

A. Au xviie siècle soi se rapporte couramment à un nom de personne sujet. Cet emploi se rencontre encore à une époque ultérieure et jusqu’à nos jours.

Ex. : Le prince Antiochus, devenu nouveau roi, Sembla de tous côtés traîner l’heur avec soi. (Corn., Rod., I, 1, 54.) — Alexandre les traînant après soi perdroit une partie des avantages. (Vaugel., Q.-C., V, 1.) — Mon fils n’a rien fait de plus sage Qu’en recueillant chez soi ce dévot personnage... (Mol., Tart., I, 1, 146.) — La lettre au roi est admirable, il y juge soi-même sa conduite. (Maint., Corr., III, 50.) — Quels démons, quels serpens traîne-t-elle après soi ? (Rac., Andr., V, 5, 1636.) — Idoménée, revenant à soi, remercia ses amis. (Fén., Tél., V.)

B. On trouve dans certaines expressions, au contraire, lui et elle se rapportant à un sujet indéterminé, selon l’usage de l’ancienne langue.

Ex. : Celui qui dit qu’il ne pèche pas se trompe lui-même. (Boss., Or. fun. Mar. Thér. d’Autr., Reine de France.) — Chacun trouve en soi la source de sa douleur, et rouvre lui-même sa plaie. (Fléch., Or. fun. de Turenne.) — Personne presque ne s’avise de lui-même du mérite d’un autre. (La Bruy., I, 152.)

C. On emploie souvent lui et elle se rapportant à des noms de choses qui, selon l’usage actuel[1], doivent être remplacés par soi. Lui se rapporte même à des pronoms neutres.

Ex. : Il (ce mot) n’a aucun sens de lui-même. (Pasc., Prov., I.) — L’argent considéré en lui-même. (Id., Prov., XII.) — Suivre le bon et le beau en lui-même. (Fén., Dial. des Morts, 7.) — Ce qui est honnête se fait suivre pour l’amour de lui-même. (Malh., II, 99.) — Je voudrois bien vous demander si tout cela s’est bâti de lui-même. (Mol., D. J., III, 1.) — Il faut que ça vienne de lui-même. (Id., D. J., II, 1.) — Ce qui lui donne la pensée ne l’a-t-il point lui-même ? (Fén., Exist., I, 2, 45.)

D. Au xviie siècle, soi se rapporte à des pluriels de noms de personnes (la langue moderne a renoncé à cet emploi).

  1. La langue actuelle hésite encore entre l’emploi de soi et de lui pour renvoyer aux noms de choses sujets.