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XXII

LE SILENCE

Mon premier mouvement, avant d’aller dans l’office, fut de clore la porte de communication entre la cuisine et la laverie. Mais l’office était vide — les provisions avaient disparu jusqu’aux dernières bribes. Le Marsien les avait sans doute enlevées le jour précédent. À cette découverte, le désespoir m’accabla pour la première fois. Je ne pris donc pas la moindre nourriture, ni le onzième, ni le douzième jour.

D’abord ma bouche et ma gorge se desséchèrent et mes forces baissèrent sensiblement. Je restais assis, au milieu de l’obscurité de la laverie, dans un état d’abattement pitoyable. Je ne pouvais penser qu’à manger. Je me figurais que j’étais devenu sourd, car les bruits que j’étais accoutumé à entendre avaient complètement cessé aux alentours du cylindre. Je ne me sentais pas assez de forces pour me glisser sans bruit jusqu’à la lucarne, sans quoi j’y serais allé.

Le douzième jour, ma gorge était tellement endolorie, qu’au risque d’attirer les Marsiens j’essayai de faire aller la pompe grinçante placée sur l’évier et je réussis à me procurer deux verres d’eau de pluie noirâtre et boueuse. Ils me rafraîchirent néanmoins beaucoup et je me sentis rassuré et enhardi par ce fait qu’aucun tentacule inquisiteur ne suivit le bruit de la pompe.