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XVIII

SOUS LE TALON

Après avoir raconté ce qui était arrivé à mon frère, je vais reprendre le récit de mes propres aventures où je l’ai laissé, au moment où le vicaire et moi étions entrés nous cacher dans une maison d’Halliford, dans l’espoir d’échapper à la Fumée Noire. Nous y demeurâmes toute la nuit du dimanche et le jour suivant – le jour de la panique – comme dans une petite île d’air pur, séparés du reste du monde par un cercle de vapeur suffocante. Nous n’avions qu’à attendre dans une oisiveté angoissante, et c’est ce que nous fîmes pendant ces deux interminables jours.

Mon esprit était plein d’anxiété en pensant à ma femme. Je me la représentais à Leatherhead, terrifiée, en danger et me pleurant déjà comme un homme mort. J’allais et venais dans cette maison, pleurant de rage à l’idée d’être ainsi séparé d’elle, songeant à tout ce qui pouvait lui arriver en mon absence. Je savais que mon cousin était assez brave pour affronter toute circonstance, mais il n’était pas homme à mesurer les choses d’un coup d’œil et à se décider promptement. Ce qu’il fallait maintenant, ce n’était pas de la bravoure, mais de la réflexion et de la prudence. Ma seule consolation était de savoir que les Marsiens s’avançaient vers Londres et tournaient ainsi le dos à Leatherhead. Toutes ces vagues craintes me