Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

champ personne ne voulut plus obéir. Ils dressèrent des tentes dans l’île de Lada, comme une armée de terre, et se tinrent à l’ombre, sans vouloir ni rentrer dans leurs vaisseaux, ni reprendre les exercices militaires.

XIII. Les généraux samiens, instruits de la conduite des Ioniens, et témoins oculaires du désordre qui régnait parmi eux, acceptèrent les offres d’Æacès, fils de Syloson, qui les avait déjà fait prier de la part des Perses de renoncer à la confédération des Ioniens. Ils le firent d’autant plus volontiers, qu’il leur paraissait impossible de l’emporter sur un prince aussi puissant que Darius, et qu’ils étaient bien assurés que si la flotte des Perses était battue, il en viendrait une autre cinq fois plus forte. Aussitôt, dis-je, qu’ils eurent remarqué la mauvaise conduite des Ioniens, ils saisirent ce prétexte pour les abandonner, et regardèrent la conservation de leurs édifices sacrés et profanes comme un très-grand avantage. Cet Æacès, dont ils avaient accepté les propositions, était fils de Syloson et petit-fils d’Æacès. Il était tyran de Samos, lorsque Aristagoras de Milet le dépouilla de sa souveraineté, ainsi que les autres tyrans d’Ionie.

XIV. Lorsque les Phéniciens firent avancer leurs vaisseaux contre les Ioniens, ceux-ci allèrent aussi à leur rencontre, leurs vaisseaux en ligne et sur un front étroit. Les deux flottes s’étant approchées, la mêlée commença ; mais depuis ce moment je ne puis assurer quels furent ceux d’entre les Ioniens qui dans ce combat se déshonorèrent par leur lâcheté, ou qui se signalèrent par leur valeur : car ils s’accusent réciproquement, et rejettent le blâme de leur défaite les uns sur les autres. Mais on dit que les Samiens, ayant déployé leurs voiles, quittèrent leurs rangs, comme ils en étaient convenus avec Æacès, et cinglèrent vers Samos, excepté onze vaisseaux, dont les capitaines, refusant d’obéir à leurs chefs, restèrent et se battirent. Le conseil général des Samiens ordonna qu’en mémoire de cette action on élèverait une colonne où seraient gravés leurs noms avec ceux de leurs ancêtres, comme un témoignage de leur valeur. Cette colonne est dans la place publique. Les Lesbiens, voyant prendre la fuite aux Samiens,