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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

tendre ; il lui sembla aussi que ce fantôme[1] voulait lui brûler les yeux avec un fer ardent. À cette vue, il pousse un grand cri, se lève avec précipitation, va trouver Xerxès, et, après lui avoir rapporté sa vision, il lui parle en ces termes : « Comme j’ai déjà vu, seigneur, des puissances considérables détruites par d’autres qui leur étaient très-inférieures, je vous dissuadais d’autant plus de vous abandonner à l’ardeur de votre jeunesse, que je savais combien il est dangereux de désirer beaucoup de choses. Venant donc à me rappeler quel fut le succès des expéditions de Cyrus contre les Massagètes, de Cambyse contre les Éthiopiens, et de Darius contre les Scythes, où je me trouvai ; sachant cela, je pensais qu’en demeurant tranquille vous seriez le plus heureux de tous les hommes. Mais puisque les dieux vous excitent à cette entreprise, et qu’ils paraissent menacer les Grecs de quelque grand malheur, je me rends moi-même et je change d’avis. Faites donc part aux Perses du songe que le dieu vous a envoyé, faites leur savoir qu’ils aient à continuer les préparatifs nécessaires en conséquence des ordres précédents. Et vous, seigneur, conduisez-vous avec tant de sagesse, qu’avec le secours de dieu vous ne manquiez à rien de ce que vous devez faire. »

Ce discours fini, encouragés l’un et l’autre par ce songe, Xerxès le communiqua aux Perses aussitôt que le jour parut, et Artabane, qui lui seul auparavant le détournait de cette expédition, la pressait alors ouvertement.

XIX. Tandis que Xerxès se disposait à marcher, il eut pendant son sommeil une troisième vision. Les mages, à qui il en fit part, jugèrent qu’elle regardait toute la terre, et que tous les hommes lui seraient assujettis. Il lui sembla avoir la tête ceinte du jet d’un olivier, dont les branches couvraient toute la terre, et que peu après cette couronne avait disparu. Aussitôt après cette interprétation des mages, les Perses qui avaient assisté au conseil se

  1. Il y a dans le grec : que ce songe. Il ne faut pas perdre de vue que ce songe est un être réel, qui parle, qui agit, comme celui que Jupiter envoie à Agamemnon au commencement du second livre de l’Iliade ; c’est par cette raison que j’ai traduit ce mot par fantôme.