Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
8
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

supériorité sur mer, ils ne pussent prendre Milet, et qu’ils ne s’attirassent quelque punition de la part de Darius. Après en avoir conféré ensemble, ils convoquèrent les tyrans ioniens, qu’Aristagoras de Milet avait privés de leurs États, et qui, s’étant réfugiés chez les Mèdes, se trouvaient alors à l’armée destinée contre Milet. Quand ils les eurent assemblés, ils leur adressèrent ce discours : « Ioniens, voici le moment de montrer votre zèle pour le service du roi ; que chacun de vous essaye de détacher ses concitoyens du reste des alliés. Promettez-leur qu’ils ne seront point punis de leur révolte, qu’on ne mettra point le feu à leurs édifices, tant sacrés que profanes ; enfin qu’ils seront traités avec la même douceur qu’ils l’ont été jusqu’ici. Mais s’ils rejettent vos propositions, s’ils veulent en venir absolument à un combat, menacez-les de tous les malheurs qui ne manqueront pas de fondre sur eux, en cas qu’ils soient vaincus ; assurez-les qu’ils seront réduits en esclavage, que leurs enfants mâles seront faits eunuques, que leurs filles seront transportées à Bactres, et qu’on donnera leur pays à d’autres peuples. »

X. Ainsi parlèrent les Perses. Dès que la nuit fut venue, les tyrans d’Ionie envoyèrent chacun vers leurs propres concitoyens, pour leur faire part des résolutions du conseil. Mais ceux à qui ils s’adressèrent, s’imaginant que les Perses ne faisaient ces propositions qu’à eux seuls, les rejetèrent avec mépris, et ne voulurent point trahir la cause commune. Ces choses se passèrent aussitôt après l’arrivée des Perses à Milet.

XI. Les Ioniens tinrent ensuite conseil à l’île de Lada, où ils s’étaient assemblés. On y ouvrit plusieurs avis, et Denys entre autres, commandant des Phocéens, y proposa le sien en ces termes : « Nos affaires, Ioniens, sont suspendues sur le tranchant du rasoir. Il n’y a point de milieu pour nous entre la liberté et l’esclavage, et même l’esclavage le plus dur, celui où gémissent les esclaves fugitifs. Maintenant donc, si vous voulez supporter les travaux et la fatigue, les commencements vous paraîtront pénibles ; mais, lorsque vous aurez vaincu vos ennemis, vous pourrez jouir tranquillement de la liberté. Si, au