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ÉRATO, LIVRE VI.

clès, rendit aux Lydiens que Crésus avait envoyés pour consulter l’oracle de Delphes tous les services qui dépendaient de lui. Ce prince, instruit de l’accueil qu’il avait fait à ses députés, le manda à Sardes, et lui fit présent, à son arrivée, d’autant d’or qu’il en pourrait emporter en une seule fois. Alcméon mit en usage toute son industrie, afin de tirer le plus d’avantage possible d’un tel don. Ayant pris un habit des plus amples et les plus larges brodequins qu’il put trouver, il alla au trésor, conduit par les officiers du prince. Il se jeta sur un tas de paillettes d’or, en entassa premièrement le long de ses jambes autant qu’il en pouvait tenir dans ses brodequins ; il en remplit ensuite toute l’ampleur de son habit, en poudra ses cheveux ; et en ayant empli sa bouche, il sortit du trésor les joues bouffies, le corps bossu, traînant à peine ses brodequins, et ressemblant moins à un homme qu’à toute autre chose. Crésus se mit à rire en le voyant. Non-seulement il lui fit présent de cet or, mais il y ajouta d’autres dons qui n’étaient pas moins considérables. Cette maison étant ainsi devenue très-riche, Alcméon nourrit des chevaux[1], et fut victorieux à Olympie à la course du char à quatre chevaux.

CXXVI. La seconde génération après, Clisthène, tyran de Sicyone, éleva encore plus haut cette maison, et lui donna parmi les Grecs un éclat qu’elle n’avait point eu jusqu’alors. Clisthène, fils d’Aristonymus, petit-fils de Myron et arrière-petit-fils d’Andréas, avait une fille nommée Agariste, qu’il ne voulait marier qu’au plus accompli de tous les Grecs. Pendant la célébration des jeux olympiques, Clisthène, qui avait été vainqueur à la course du char à quatre chevaux, fit proclamer par un héraut que quiconque d’entre les Grecs se croirait digne de devenir son gendre vînt à Sicyone dans soixante jours, ou même plus tôt, parce qu’il avait fixé le mariage de sa fille un an après le soixantième jour commencé. Tous ceux qui, fiers de leur mérite personnel et de la célébrité de leur ville, aspiraient à l’honneur d’épouser Agariste, se rendirent à Sicyone, où les retint Clisthène, qui leur avait fait pré-

  1. L’Attique étant sans pâturages, les chevaux y étaient fort chers.

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