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VIE D’HOMÈRE.

dène domine l’un et l’autre. L’armurier s’appelait Tychius. Ces vers lui firent tant de plaisir, qu’il se détermina à le recevoir chez lui. Plein de commisération pour un aveugle réduit à demander son pain, il lui promit de partager avec lui ce qu’il avait. Mélésigènes, étant entré dans son atelier, prit un siége, et, en présence de quelques citoyens de Néon-Tichos, il leur montra un échantillon de ses poésies. C’était l’expédition d’Amphiaraüs contre Thèbes et les hymnes en l’honneur des dieux. Chacun en dit son sentiment ; et Mélésigènes ayant porté là-dessus son jugement, ses auditeurs en furent dans l’admiration.

X. Tant qu’il fut à Néon-Tichos, ses poésies lui fournirent les moyens de subsister. On y montrait encore de mon temps le lieu où il avait coutume de s’asseoir quand il récitait ses vers. Ce lieu, qui était encore en grande vénération, était ombragé par un peuplier qui avait commencé à croître dans le temps de son arrivée.

XI. Mais dans la suite, forcé par le besoin et trouvant à peine de quoi se nourrir, il résolut d’aller à Cyme pour voir s’il y jouirait d’une meilleure fortune. Prêt à se mettre en route, il récita ces vers : « Puissent mes pieds me porter sur-le-champ dans cette ville respectable dont les habitants n’ont pas moins de prudence que de sagacité ! » S’étant mis en route pour aller à Cyme, il passa par Larisse, qui était le chemin le plus commode. Ce fut dans cette ville, comme le disent les Cyméens, qu’il fit l’épitaphe de Midas, fils de Gordius, roi de Phrygie[1], à la prière du beau-père et de la belle-mère de ce prince. Elle est gravée sur le cippe du monument de Gordius ; on l’y voit encore à présent.

« Je suis vierge et représentée en bronze. Placée sur le monument de Midas, tant qu’on verra les eaux couler dans les plaines et les arbres refleurir au printemps ; tant qu’on verra le soleil réjouir à son lever les humains,

  1. Ce Midas était, selon M. le président Bouhier, le second prince de ce nom. Sa femme s’appelait Démodice ; elle était fille d’Agamemnon, roi de Cyme. Héraclides nomme cette princesse Hermodice. Il assure qu’elle n’était pas moins sage que belle, et qu’elle fut la première qui frappa de la monnaie à Cyme (L.)