Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
CALLIOPE, LIVRE IX.

et renvoyez celle que vous avez actuellement : telle est ma volonté.

» Quel étrange discours me tenez-vous, seigneur ? répondit Masistès étonné. Vous voulez que je me sépare d’une femme que j’aime, et dont j’ai trois fils encore jeunes, et des filles parmi lesquelles vous avez choisi une femme à votre fils ; vous m’ordonnez de la renvoyer, et vous me donnez en sa place votre fille ! J’estime comme je le dois l’honneur que vous me faites de me donner votre fille, mais je ne puis ni l’accepter ni renvoyer ma femme. Ne me faites, je vous prie, aucune violence, puisque rien ne vous y oblige, et laissez-moi vivre avec ma femme ; vous trouverez pour votre fille un parti non moins avantageux. » Ainsi parla Masistès. Xerxès, irrité, répliqua en ces termes : « C’en est fait, Masistès, vous n’auriez point actuellement ma fille quand vous la voudriez ; et vous ne conserverez pas plus longtemps votre femme, afin de vous apprendre une autre fois à accepter mes offres. » Là-dessus Masistès se retira, et en sortant il se contenta de dire : « Seigneur, vous ne m’avez pas encore ôté la vie. »

CXI. Tandis que Xerxès parlait à son frère, Amestris manda les gardes du roi, et fit mutiler la femme de Masistès. On lui coupa, par son ordre, les mamelles, qu’on jeta aux chiens, et, après lui avoir fait aussi couper le nez, les oreilles, les lèvres et la langue, elle la renvoya chez elle ainsi mutilée.

CXII. Masistès ignorait ce qui venait de se passer ; mais, comme il s’attendait à quelque chose de funeste, il accourt chez lui en diligence, et voyant sa femme traitée avec tant d’indignité, il délibère sur-le-champ avec ses enfants, et part aussitôt avec eux et quelques autres personnes pour la Bactriane, dans l’intention de faire soulever cette province, et de faire au roi tout le mal qu’il pourrait. Je suis persuadé qu’il y aurait réussi, s’il n’eût pas été prévenu avant son arrivée dans la Bactriane et chez les Saces ; car les Bactriens, dont il était gouverneur, l’aimaient beaucoup. Mais Xerxès, ayant eu avis de ses desseins, envoya contre lui un corps d’armée qui le massacra en chemin