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CALLIOPE, LIVRE IX.

lui promettaient des succès que dans le cas où il se tiendrait sur la défensive ; car il se servait pour sacrifier à la manière des Grecs du devin Hégésistrate d’Élée, le plus célèbre des Telliades. Cet Hégésistrate avait fait autrefois beaucoup de mal aux Spartiates, et ceux-ci l’avaient arrêté et mis dans les fers pour le punir de mort. Comme, dans cette situation fâcheuse, il s’agissait non-seulement de sa vie, mais encore de souffrir avant la mort des tourments très-cruels, il fit une chose au-dessus de toute expression. Il avait les pieds dans des entraves de bois garnies de fer. Un fer tranchant ayant été porté par hasard dans sa prison, il s’en saisit, et aussitôt il imagina l’action la plus courageuse dont nous ayons jamais ouï parler ; car il se coupa la partie du pied qui est avant les doigts, après avoir examiné s’il pourrait tirer des entraves le reste du pied. Cela fait, comme la prison était gardée, il fit un trou à la muraille, et se sauva à Tégée, ne marchant que la nuit, et se cachant pendant le jour dans les bois. Il arriva en cette ville la troisième nuit, malgré les recherches des Lacédémoniens en corps, qui furent extrêmement étonnés de son audace en voyant la moitié de son pied dans les entraves sans pouvoir le trouver. Ce fut ainsi qu’Hégésistrate, après s’être alors échappé des Lacédémoniens, se sauva à Tégée, qui n’était pas en ce temps-là en bonne intelligence avec Sparte. Lorsqu’il fut guéri, il se fit faire un pied de bois, et devint ennemi déclaré des Lacédémoniens. Mais la haine qu’il avait conçue contre eux ne tourna pas, du moins à la fin, à son avantage ; car, ayant été pris à Zacynthe, où il exerçait la divination, ils le firent mourir. Mais sa mort est postérieure à la bataille de Platées.

XXXVII. Ce devin, à qui Mardonius donnait des sommes considérables, sacrifiait alors sur les bords de l’Asope avec beaucoup de zèle, tant par la haine qu’il portait aux Lacédémoniens que par l’appât du gain. Mais les entrailles des victimes ne permettant pas de donner bataille, ni aux Perses ni aux Grecs qui étaient avec eux, et qui avaient en leur particulier un devin nommé Hippomachus de Leucade, et l’armée grecque grossissant cependant tous les