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URANIE, LIVRE VIII.

service du roi pour un certain prix[1]. L’un menait paître les chevaux, l’autre les bœufs, et Perdiccas, le plus jeune, gardait le menu bétail : car, autrefois, non-seulement les républiques, mais encore les monarchies n’étaient pas riches en argent. La reine elle-même leur préparait à manger. Toutes les fois que cuisait le pain du jeune Perdiccas son domestique, il devenait plus gros de moitié. La même chose arrivant toujours, elle en avertit son mari. Là-dessus il vint sur-le-champ à ce prince en la pensée que c’était un prodige, et qu’il présageait quelque chose de grand. Il manda les trois frères et leur commanda de sortir de ses terres. Ils répondirent au roi qu’il était juste qu’ils reçussent auparavant leur salaire. À ce mot de salaire, il leur dit, en homme à qui les dieux avaient troublé la raison : « Je vous donne ce soleil (le soleil entrait alors dans la maison par l’ouverture de la cheminée[2]) ; ce salaire est digne de vous. » À ces paroles, les deux aînés, Gavanes et Aéropus, demeurèrent interdits ; mais le plus jeune répondit au roi : « Seigneur, nous acceptons l’augure que vous nous donnez. » Prenant ensuite son couteau, il traça sur l’aire de la salle une ligne autour de l’espace qu’éclairait le soleil, et, après avoir reçu par trois fois ses rayons dans son sein, il s’en alla avec ses deux frères.

CXXXVIII. Ils étaient à peine partis, qu’un des assesseurs du roi l’instruisit de ce que pourrait faire le plus jeune des trois frères, et des vues qu’il avait sans doute en acceptant ce qu’il lui avait donné. Ce prince irrité envoya après eux des cavaliers pour les tuer. Il y a dans ce pays un fleuve auquel les descendants de ces hommes d’Argos offrent des sacrifices comme à leur libérateur. Lorsque les Téménides l’eurent traversé, il grossit tellement, que les cavaliers ne purent le passer. Arrivés dans

  1. La haute Macédoine est celle du milieu des terres, et la basse celle qui s’étend le long de la mer Égée. La haute comprenait les Lyncestes, les Hélimiotes, et d’autres nations au-dessus de celles-là, qui forment des royaumes particuliers, quoiqu’elles leur soient soumises et alliées. (L.)
  2. Les cheminées des anciens n’étaient pas faites comme les nôtres. Il n’y avait point de tuyau pour conduire la fumée ; le feu se faisait au milieu de la chambre, qui allait en se rétrécissant par le haut, et avait la forme d’un entonnoir renversé. (L.)