Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

sortis du port de Milet pour attaquer par mer les autres places de l’Ionie. Sur cette nouvelle, il leva le siége de Thasos, et se rendit précipitamment dans l’île de Lesbos avec toute son armée. Mais n’ayant plus de provisions, et la faim se faisant sentir, il passa sur le continent pour moissonner le blé de l’Atarnée et de la plaine du Caïque, dont la récolte appartenait aux Mysiens. Harpage, Perse de naissance, qui commandait dans ce canton des forces considérables, lui livra bataille aussitôt qu’il fut à terre, tailla en pièces la plus grande partie de ses troupes, et le fit prisonnier de la manière que je vais le raconter.

XXIX. La bataille se donna à Malène dans l’Atarnée : les Grecs tinrent ferme pendant longtemps ; mais la cavalerie perse étant tombée sur eux, ils furent mis en fuite. Les Perses furent redevables de cette victoire à leur cavalerie. L’espoir du pardon, dont se flattait Histiée, lui inspira un tel désir de la vie, que, se voyant arrêté dans sa fuite par un soldat prêt à lui passer son épée à travers le corps, il se fit connaître, et lui dit en perse qu’il était Histiée de Milet.

XXX. Si on l’eût mené à Darius dès qu’il fut fait prisonnier, je pense que, loin d’éprouver aucun fâcheux traitement, ce prince lui aurait pardonné sa révolte. Ce fut aussi par cette raison, et de crainte qu’au lieu d’être puni il ne reprît son ancienne faveur auprès de Darius, qu’Artapherne, gouverneur de Sardes, et Harpage, dont il était prisonnier, le firent mettre en croix aussitôt après qu’on l’eut amené à Sardes. On sala ensuite sa tête, et on l’envoya à Suses à Darius. Ce prince, ayant appris ce qui s’était passé, s’en plaignit amèrement aux auteurs de cette action, et fut très-fâché de ce qu’on ne le lui avait pas amené vivant. Après avoir fait laver cette tête, il voulut qu’on l’ensevelît honorablement et qu’on lui donnât la sépulture, comme étant celle d’un homme qui avait rendu de grands services aux Perses et à lui-même. Tel fut le sort d’Histiée.

XXXI. La flotte des Perses, qui avait passé l’hiver aux environs de Milet, ayant remis à la voile la seconde année, prit aisément les îles voisines du continent, celles de Chios,